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Jeanne de Vietinghoff

Jeanne de Vietinghoff

Jeanne de Vietinghoff (1875-1926) est née à Bruxelles.

Moraliste et mystique, elle écrit quatre essais et un roman. Son œuvre est à la fois optimiste et pessimiste. Elle pousse à oser être soi, tout en reconnaissant la part de souffrances et de déceptions que cette audace peut engendrer.

Amie de la mère de Marguerite Yourcenar, qui meurt à sa naissance, Jeanne sera très proche de Marguerite ainsi que de son père, dont elle aurait été la maîtresse.

Elle fût un modèle pour Marguerite qui utilisera ses traits dans plusieurs de ses romans.

Bibliographie

  • Impressions d’âme, 1909
  • La liberté intérieure, 1912
  • L’intelligence du bien, 1915
  • Au seuil d’un monde nouveau, 1921
  • L’autre devoir, histoire d’une âme (roman), 1924
  • Sur l’art de vivre, 1927

Titre(s) réédité(s)

L’intelligence du bien (1915)
L'intelligence du bien - Jeanne de Vietinghoff
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Jeanne de Tallenay (1869-1920)

Jeanne de Tallenay (1869-1920) est née à Weimar en Allemagne, d’un père français et d’une mère russe.

Elle épouse à 17 ans, Van Bruyssel, chargé d’affaires de Belgique au Venezuela, et acquiert, de ce fait, la nationalité belge.

Oubliée des oubliées, rarement citée dans le peu d’ouvrages qui existent sur les femmes de lettres belges, nous ne savons pas grand-chose d’elle.

Elle a écrit plusieurs romans, souvent marqués par son goût pour le mysticisme en vogue à l’époque. Elle collabore également à différentes revues et écrit des chroniques sur la vie mondaine à Bruxelles sous le pseudonyme de Trévilliers.

Bibliographie

  • Souvenirs du Venezuela, 1884
  • L’invisible, 1892
  • Treize douleurs (nouvelles), 1895
  • Au sanatorium (nouvelles), 1896
  • Le réveil de l’âme, visions à l’abbaye de Villers, 1898
  • Viva Perpétua, 1905

Titre(s) réédité(s)

L’invisible (1892)
L'invisible - Jeanne de Tallenay
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Caroline Gravière

Caroline Gravière

Caroline Gravière (1821-1878) est le nom de lettres d’Estelle Crèvecoeur.

Surnommée la Georges Sand belge, ses écrits mettent généralement en scène le milieu bourgeois qu’elle trouve trop étriqué et hypocrite.

On retrouve, dans ses romans les préoccupations de l’époque : anticléricalisme, lutte contre les préjugés sociaux, féminisme, mais on y trouve aussi comme un déchirement entre cœur et devoir qui semblent nécessairement inconciliables à l’auteur.

Bibliographie

La présente bibliographie reprend les différents titres que nous avons pu identifier. Nous ne sommes toutefois pas certains que celle-ci soit tout à fait complète. Nous n’avons d’ailleurs pas pu retrouver l’intégralité des œuvres citées.

  • Sarah, (?)
  • Une histoire du pays, 1864
  • Un lendemain, 1867
  • Sur l’Océan, 1867
  • Le vieux Bruxelles, 1867
  • Une expérience in anima vili, 1867
  • La servante, 1872
  • L’énigme du docteur Burg, 1872
  • Gentilhommière d’aujourd’hui, 1872
  • Le bon vieux temps, 1872
  • Mi-la-sol, 1872
  • Sainte-Nitouche, 1873
  • Choses reçues, 1873
  • Un paradoxe, 1875
  • Une Parisienne à Bruxelles, 1875
  • Le sermon de l’Abbé Goyet, 1876
  • Un Héros, 1877

Titre(s) réédité(s)

Une Parisienne à Bruxelles (1875)
Une Parisienne à Bruxelles
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Louis Dubrau (1904-1997)

Louis Dubrau, de son vrai nom, Louise Scheidt (1904-1997), est née à Bruxelles.

Louis Dubrau

Elle écrit sous un pseudonyme masculin, parce qu’elle se méfie des jugements subjectifs qu’on porte sur les écrits ouvertement signés par une femme.

Pendant la guerre, elle se lance dans la politique, milite pour la cause des femmes. Mais elle abandonne tout engagement politique quelques années après la fin de la guerre.

Elle voyage alors régulièrement, seule, souvent à des moments critiques ou dans des conditions dangereuses, ce qui lui inspire l’écriture de plusieurs reportages et récits.

Bibliographie

  • Zouzou, roman, 1936
  • Présences, poèmes, 1937
  • Louise, contes, 1938
  • Abécédaire, poèmes, 1939
  • Amour, délice et orgue, aphorismes, 1940
  • Messages, poèmes, 1940
  • Le destin de Madame Hortense, roman policier, 1942
  • L’arme du crime, roman policier, 1942
  • Malherbe et son école, essai, 1943
  • L’an quarante, roman, 1945
  • Un seul jour, roman, 1947
  • Pour une autre saison, poèmes, 1948
  • La part du silence, roman, 1950
  • L’Arbre de connaissance, contes, 1951
  • Double jeu, nouvelles, 1952
  • L’autre versant, roman, 1953
  • Ailleurs, poèmes, 1956
  • Le temps réversible, poèmes, 1958
  • La fleur et le turban, récits, 1959
  • La Belle et la bête, roman, 1961
  • A la poursuite de Sandra, roman,1963
  • Comme des gisants, roman, 1964
  • Les îles du Capricorne, récit, 1967
  • Le bonheur cellulaire, roman, 1968
  • Les témoins, roman, 1969
  • Le cabinet chinois, roman, 1970
  • A part entière, roman, 1974
  • Jeu de massacre, nouvelles, 1977
  • Les imaginaires, roman, 1982
  • La femme forcée, roman, 1985
  • Le Clown vend ses lunettes, aphorismes, 1991

Titre(s) réédité(s)

A la poursuite de Sandra (1963)
A la poursuite de Sandra - Louis Dubrau
A part entière (1974)
a part entière - Louis Dubrau
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Anne François (1958-2006)

Anne François est une femme active, elle enseigne, voyage, réalise des pièces de théâtres, des courts-métrages, et travaille également pour la RTBF où elle sera notamment réalisatrice. Elle a à cœur de valoriser le travail des artistes.

Elle écrit une pièce de théâtre et deux romans : Nu-tête et Ce que l’image ne dit pas. Deux œuvres sensibles, pleines d’humanité et de pudeur toutes deux primées, l’une du Prix Rossel en 1991, l’autre du Prix Marguerite Van de Wiele, en 1997. Ces deux œuvres, quoique témoignages poignants, sont des pures fictions. Anne François a toujours insisté sur ce point, même si elle inscrit ses personnages dans des lieux et des situations qu’elle connait, qu’elle a elle-même rencontrés, soit directement, soit indirectement.

Bibliographie

  • Nu-tête, roman, 1991
  • Ce que l’image ne dit pas, roman, 1995

Titre(s) réédité(s)

Nu-tête (1991)
Nu-tête Anne François
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A nos membres fantômes

Sara Dombret

Année de publication : 2019

Résumé :

Catherine, la famille, c’est pas trop son truc. Architecte, célibataire. Une vie bien ordonnée. Elle n’aime pas trop être dérangée. Pas de chance, son cousin Emeric a décidé de s’en mêler. Il prétend avoir besoin d’un architecte pour rénover la maison familiale où il habite avec sa mère. Même si Catherine n’a aucune envie de gérer leur chantier, elle va devoir s’en charger. A l’occasion des travaux, elle découvre une cave. Trop petite. Et la photo d’une femme qui porte une étrange tache de naissance. Les secrets sont faits pour être découverts. Parce que la famille, c’est comme un membre amputé qu’on continue de sentir longtemps après qu’il ait disparu. Ce passé, même ignoré, mort depuis longtemps, traverse les corps. Toutes les familles ont leurs fautes. Les miennes irritent le sang de Catherine. C’est pour ça que je suis revenue …

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Collection Femmes de lettres oubliées

Naissance du projet

La Collection Femmes de lettres oubliées est une collection qui vise à rééditer et faire connaître des femmes de lettres belges oubliées, méconnues ou introuvables.

Ce projet est né d’une question : pourquoi y-a-t-il eu tant de femmes écrivains en Angleterre au 19e et si peu en France et en Belgique ? N’avons-nous pas eu nos sœurs Brontë, nos Jane Austen, nos Georges Eliot ?

Nos femmes n’ont-elles pas écrit ou bien ont-elles écrit des œuvres médiocres, opportunément disparues ?

Nous faisons un véritable travail d’investigation pour retrouver ces femmes, leurs noms, mais aussi leurs œuvres. Et nous pouvons vous dire aujourd’hui que les femmes de lettres belges n’ont pas démérité.

Des trésors enfouis

Une production abondante, et parmi laquelle beaucoup d’œuvres ont été primées. Le premier Prix Rossel de l’histoire a d’ailleurs été attribué à une femme.

Et s’il a fallu attendre 1944 pour qu’une femme obtienne, pour la première fois le prix Goncourt, bien longtemps avant, en 1911, Modeste Autome de Marguerite Baulu était en lice pour l’obtenir.

Si ces trésors ont été délaissés, c’est, en partie, en raison de la misogynie qui régnait au 19e. Considérant de manière générale que les femmes ne pouvaient avoir de talent, elles ont été exclues des canons littéraires établis à cette époque. Et, s’il existe quelques initiatives dans les universités, jamais aucune étude comparable aux Women studies anglo-saxonnes n’a été entreprise chez nous.

Nous ne laisserons pas ces femmes disparaitre de notre histoire ni de notre patrimoine.

Les Éditions Névrosée ont décidé de redonner vie à l’œuvre de ces femmes en les rééditant et en les faisant connaitre, afin de les rendre accessibles à tous.

La collection

La Collection se compose actuellement de douze titres, de douze femmes différentes. Variant les époques et les genres afin de présenter un échantillon aussi mince soit-t-il de la diversité et de la richesse de ce trésor enfoui :

Une Parisienne à Bruxelles - Caroline Gravière
Une Parisienne à Bruxelles, Caroline Gravière (1875)
L'invisible - Jeanne de Tallenay
L’invisible, Jeanne de Tallenay (1892)
Ame blanche - Marguerite van de Wiele
Ame blanche, Marguerite Van de Wiele (1908)
Modeste Autome - Marguerite Baulu
Modeste Autome, Marguerite Baulu (1911)
L'intelligence du bien - Jeanne de Vietinghoff
L’intelligence du bien, Jeanne de Vietinghoff (1915)
Loremendi - France Adine
Loremendi, France Adine (1943)
Le Beaucaron - Nelly Kristink
Le Beaucaron, Nelly Kristink (1949)
Dora - Marianne Pierson-Piérard
Dora, Marianne Pierson-Piérard (1951)
A la poursuite de Sandra - Louis Dubrau
A la poursuite de Sandra, Louis Dubrau (1963)
L'odeur du père - Marie Denis
L’odeur du père, Marie Denis (1972)
Nu-tête - Anne François
Nu-tête, Anne François (1991)
Mantoue est trop loin - Madeleine Bourdouxhe
Mantoue est trop loin, Madeleine Bourdouxhe (inédit)

Mais ces douze titres ne sont rien à côté de toutes les femmes et de toutes les œuvres qui méritent d’être connues et reconnues.

C’est pourquoi nous mettrons tout en œuvre pour que ces douze titres ne soient que le début d’une grande aventure.

Tous les titres sont disponibles dès à présent en epub sur les plateformes de ventes d’epub et au format papier dans toutes les librairies. Vous pouvez également les commander en circuit court en nous envoyant directement un mail à l’adresse ecrivez.moi@nevrosee.be

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Mon style? Qu’est-ce qu’il a mon style? J’ai un style moi ?

Mon style? Oui, je vais vous parler de mon style. Un écrivain, c’est comme ça, c’est un peu nombriliste.

Voilà plus d’un mois qu’A nos membres fantômes est sorti. J’ai donc reçu l’avis de plusieurs lecteurs et Amélit m’a même fait l’honneur de parler de mon livre dans un de ses points lectures (je la remercie chaleureusement d’ailleurs).

Mon style

Je suis très étonnée d’entendre ou de lire que j’ai un style particulier. Il parait même que « c’est un peu déstabilisant au début mais qu’après on s’y fait ». Ouf, on s’y fait.

Je ne m’étais rendue compte de rien. J’ai écrit mon histoire ou plutôt, j’ai retranscrit ce qu’une voix racontait à mon oreille. Cette voix est celle d’une femme. Une femme qui parle plus qu’elle n’écrit. Si au début du roman ce langage parlé est particulièrement présent, c’est parce que sa voix se fait cri. Cri d’outre-tombe, enfin évacué. Pas mon cri non. Celui de la voix qui parle à travers moi.

Décalage

Ces réflexions sont très intéressantes et m’ont fait beaucoup réfléchir. Comme il est curieux que nous soyons déstabilisés par un livre qui utilise un langage qui, pour la plupart, est celui de notre quotidien. Un quotidien rythmé par un manque de temps qui nous fait sacrifier les négations au profit de la rentabilité. Quel décalage entre ce quotidien et le langage attendu d’un livre. Comme si la littérature se devait de mieux se vêtir. Mais ne serait-ce pas une manière, en quelque sorte, de refuser son époque ?

Je ne sais pas. Pas pensé à tout ça en écrivant. Je me suis contentée de servir d’instrument à cette voix qui harcelait mes oreilles.

J’assume

J’ai donc un style. Je crois que je suis plutôt flattée de le découvrir. J’étais à mille lieues de me l’imaginer. Ceci dit, et quoi que je sois dans l’ensemble plus flattée que déçue, je ne saurais dire si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Ce que je sais c’est que c’est aussi authentique que ça pouvait l’être. Ou pour le dire autrement et reprendre les termes d’Amélit : assumé.

Rapide et dense, mais j’espère fluide. Finalement ce style n’est peut-être que l’expression de mon catéchisme : ce n’est pas parce qu’un livre est divertissant, qu’il développe une histoire qui tient le lecteur en haleine, qu’il ne sollicite pas son intelligence et sa collaboration.

Quoi qu’il en soit, si vous ne le l’avez pas encore lu, j’espère que vous l’apprécierez malgré tout, ou disons, malgré moi, malgré mon style.

Ce que je retiens pour le suivant

Je continuerai à assumer ce style qui semble être le mien et dont j’ai à peine conscience. Par souci d’honnêteté et d’authenticité. Et qui sait quel style aura la voix qui me murmurera ma prochaine histoire. Au fond, ce style n’est peut-être pas vraiment le mien.

Par contre, je crois que je donnerai plus de place au discours direct, afin de permettre au lecteur de respirer.

À ce propos, je l’ai commencé, le suivant. Enfin, je n’ai pas encore commencé à l’écrire, mais je fais des recherches et je construis petit à petit l’intrigue et les personnages. C’est très excitant.

Je vous en dis plus dans un prochain article que je compte faire sur les « oubliées de la littérature », quoiqu’en vous disant ça, vous aurez déjà compris de quoi parlera mon prochain livre.

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4 3 2 1 – Paul Auster

4 3 2 1

4 3 2 1, le dernier roman très médiatisé de Paul Auster.

J’ai lu, il y a longtemps, « Trilogie newyorkaise ». Rien compris. J’ai fini le livre péniblement et n’ai plus jamais eu envie de lire cet auteur. J’avoue, c’était il y a fort fort longtemps. Mais le sentiment de ma propre bêtise reste encore gravé dans ma chair.

Hasard de lecture? Quand un livre nous choisit

À la sortie de 4 3 2 1, mon compagnon qui, lui, est un inconditionnel de l’auteur, se met à le lire.

De mon côté, j’étais en pleine initiation à la lecture en anglais. Si vous me connaissez un peu, vous savez que j’apprécie particulièrement les auteurs Anglo-saxons. Et je commençais à me dire que ce serait tout de même pas mal si je les lisais en version originale.

J’ai commencé timidement, avec deux livres bilingues qui m’ont fait prendre conscience de deux choses : d’abord que je n’étais pas aussi nulle que je le pensais, ensuite qu’effectivement lire un livre traduit c’était risquer de lire un livre écrit par deux personnes et que si le traducteur était aussi mauvais que celui qui a traduit mes livres bilingues, ça pouvait s’avérer beaucoup plus catastrophique que mon niveau d’anglais.

J’ai donc lu un autre livre, non bilingue cette fois, et je le terminais lorsque mon compagnon, de son côté, commençait 4 3 2 1. Il me propose alors de le lire, me dit que ça devrait me plaire. Je lui répète que mon expérience austérienne ne m’a pas laissé de bons souvenirs et qu’en plus j’avais lu que Paul Auster n’était pas un auteur facile à lire en anglais. Il argumente. Me dit qu’au contraire, 4 3 2 1 est écrit dans un anglais plus qu’abordable.

Et voilà comment j’ai commencé 4 3 2 1, roman de plus de 1000 pages, écrit dans une langue qui n’est pas celle de ma mère, et par un auteur pour lequel je nourrissais un fort a priori négatif.

Je ne vous cache pas que j’étais fort sceptique. Et pourtant. Je ne remercierai jamais assez mon compagnon de m’avoir un peu forcée.

Contexte : l’Amérique des années 50

Le roman se déroule dans les Etats-Unis des années 50. Il offre un excellent panorama des problèmes raciaux en Amérique à cette époque. Il montre également l’impact de la guerre du Vietnam sur les civils américains. Si j’ai eu de nombreuses occasions de pénétrer le point de vue du soldat au combat ou de celui qui en est revenu déchiré, broyé, jamais je n’avais incarné le point de vue des civils américains. Et j’avoue que ça m’a permis de prendre conscience d’une réalité historique qui m’avait jusque-là totalement échappé.

Le roman trahit aussi les passions de Paul Auster pour la littérature, le cinéma et le base-ball. J’avoue ne pas partager la dernière, et par conséquent, j’ai trouvé ces passages un peu plus longuets. Mais je dois reconnaître qu’ils m’ont permis de reprendre un peu mon souffle et de me refaire le petit schéma des quatre histoires que j’ai essayé de tenir dans ma tête toute la durée de la lecture.

Une écriture fluide

Mon compagnon avait raison, 4 3 2 1 est écrit dans un anglais plus qu’abordable, même si certaines phrases sont particulièrement longues. Pourtant, ça ne se ressent absolument pas. Je ne m’en serais d’ailleurs probablement jamais rendue compte, sans certaines interruptions inopinées. Vous savez, quelqu’un entre dans la pièce, commence à vous parlez, et vous lui dites « deux minutes, je termine ma phrase » et c’est là que vous vous rendez compte de la longueur de la phrase qui ne semble pas vouloir se terminer.

Une lecture fluide mais exigeante

Facile à lire, donc, mais exigeant. Ce n’est pas un livre dont on peut lire deux pages par semaine.  Il requiert à la fois l’attention et la disponibilité du lecteur, et je pense que c’est important de le savoir.

Des personnages identiques avec des vies différentes

Il s’agit, comme vous le savez sans doute, de quatre versions différentes de la vie d’une même personne. Mais cette vie, comme n’importe quelle autre vie, est peuplée de personnages qui, de facto, se retrouvent plus ou moins tous dans les quatre histoires.

La manière dont Paul Auster mène ces différents personnages est particulièrement impressionante. Parce qu’il n’y a pas que le protagoniste principal, Archie Ferguson, dont l’auteur nous présente des vies potentiellement différentes. C’est le cas de tous les personnages. Ce qui rend bien entendu le livre d’autant plus cohérent, puisqu’il n’y a pas que le personnage principal qui aurait pu avoir une vie différente. Pour un auteur c’est déjà difficile de faire évoluer un personnage conformément au caractère et à la personnalité qui sont les siens. Paul Auster y arrive, non pas une fois, mais quatre.  Il met les personnages devant des événements différents et parvient à maintenir malgré ces différences, la cohérence des personnages qui sont donc véritablement les mêmes, avec des vies autres. Un tour de force !

Des choses qui arrivent, d’autres pas, et celles qui restent dans l’ombre

Les différentes histoires sont loin d’être linéaires, on ne suit pas nécessairement les quatre Archie aux mêmes moments de sa vie. Certaines choses arrivent dans une version et pas dans l’autre, et dans une troisième, elles sont laissées dans l’ombre. On ne sait donc pas si elles se sont produites ou pas.

Evidemment entre les similitudes et les différences de chaque histoire, il est parfois difficile de se rappeler qui a fait quoi dans quelle version. Et même en étant très attentif, je pense qu’il y a nécessairement des choses qui échapperont au lecteur. Mais l’auteur est suffisamment habile et subtil pour s’assurer qu’il ne se perde pas tout à fait. Même si je ne vous cache pas qu’il m’est arrivé de retourner en arrière pour me rafraîchir la mémoire, et ça, alors même que je lisais en moyenne plusieurs centaines de pages par jours.

Effet miroir ou quand le lecteur complique la lecture

La construction narrative de 4 3 2 1 provoque une sorte d’effet miroir.

En lisant, en essayant de voir les implications de tel ou tel comportement ou décision sur la vie du protagoniste, je me suis rendue compte à quel point l’être humain essaie, continuellement, de trouver du sens, même là où il n’y en a pas. Et c’est peut-être ce que j’ai trouvé de plus magistral dans 4 3 2 1. C’est qu’entre les lignes, on peut lire que non, notre vie n’aurait peut-être pas été meilleure si on avait fait tel ou tel autre choix. Elle aurait juste été différente, mais il est impossible de savoir ce qu’elle aurait été.

Dans la vie comme dans le récit, nous n’avons jamais tous les éléments

Dans les différents récits, des circonstances identiques, comme les luttes raciales ou l’assassinat de Kennedy influencent différemment les protagonistes.

Les protagonistes eux-mêmes s’influencent mutuellement sans qu’il soit possible de savoir ou de découvrir ce qui a influencé qui ou quoi.

Enfin, un élément qui peut paraître néfaste et semble devoir conditionner la vie du protagoniste dans un sens malheureux peut s’avérer être une chance inouïe. Un événement malheureux ne mène pas forcément au malheur et un événement heureux ne mène pas forcément au bonheur.

Paul Auster nous montre ou nous démontre qu’il y a nécessairement toujours quelque chose qui nous échappe, que nous n’avons jamais tous les éléments, et que, par conséquent, nous ne pouvons prévoir ni l’impact, ni les conséquences de nos décisions ou des événements, pas plus que nous ne pouvons donc les juger, comme le constate Archie lui-même, après un dilemme imaginaire tout à fait savoureux :

« I’m saying you’ll never know if you make the wrong choice or not. You would need to have all the facts before you knew, and the only way to get all the facts is to be in two places at the same timewhich is impossible. »

Pourtant nous ne pouvons pas résister à la tentation du contrôle. Impossible de ne pas nous demander en lisant 4 3 2 1 si le hasard des événements conditionne ou non les orientations que nous prenons ou si ces orientations sont-elles elles-mêmes le fruit du hasard.

Et on comprend que cette question tourmente le lecteur, puisqu’elle est liée à celle de notre liberté.

Un petit mot sur la fin, sans rien dévoiler

Paul Auster boucle son histoire de façon magistrale. Je suis souvent déçue par la fin des livres que je lis. Je ne sais pas pourquoi. Ce fut loin d’être le cas ici. Je préfère ne rien dévoiler, mais l’auteur surprend le lecteur par une sorte de tour de passe-passe qui vient lier les quatre histoires d’une manière qui se veut presque apaisante. Il confirme également que, bien qu’inconsciemment et involontairement, le lecteur essaie de trouver du sens à l’enchaînement de chacune des histoires, en réalité, le seul sens à y trouver, c’est celui que lui a donné, arbitrairement, l’auteur. Et d’une certaine manière, il vient, à la fin du livre nous livrer une sorte de confession qui est particulièrement émouvante.

Pour conclure

Vous l’aurez compris, le roman est complet. Il offre une histoire (quatre en fait) qui fonctionnent, il actionne l’imagination et invite à réfléchir tout en offrant au lecteur quantité d’informations historiques qui s’intègrent parfaitement au récit.

Il faut encore noter que Paul Auster réalise cette prouesse avec énormément d’humour. Je vous laisse à ce propos découvrir comment Archie en est venu à s’appeler Ferguson. Et comment Paul Auster nous fait sourire dès les premières pages, pour mieux nous ensorceler. Délicieux. Aussi délicieux que les réflexions que cela entraîne chez Ferguson quand il l’apprendra, quelques centaines de pages plus tard.

Voilà ce que je peux vous dire de l’expérience 4 3 2 1.

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La littérature complexe : foutaises et compagnie

La littérature complexe. J’ai entendu ce terme récemment dans une émission radio qu’au demeurant j’apprécie. L’émission parlait du « recul de la littérature complexe ».

Je me demande si je dois rire ou pleurer. Je suppose que, comme pleurer ne sert à rien, il vaut mieux rire. Ça n’empêche pas de pousser un petit coup de gueule.

Je ne suis pas la première à le faire. Un auteur bien plus prestigieux et célèbre que ma pauvre personne, Bernard Werber a piqué le sien dans un article paru dans le Figaro : plaidoyer pour une autre littérature. Et si, apparemment, ça ne semble pas faire bouger les choses, ça fait plaisir à lire.

La littérature complexe, mais qu’est-ce que c’est?

Mais que peut bien être cette littérature dite complexe ?

Ne serait-ce pas une manière hypocrite de désigner ce que d’aucuns considèrent comme la littérature intelligente par opposition à celle qui ne le serait pas.

La littérature complexe

Quelle prétention. Et quelle suffisance de sous-entendre que le « recul » de cette littérature soi-disant plus intelligente serait le fait de la paresse ou d’un déficit d’intelligence de la part des lecteurs.

Comment ne pas se demander si l’on se pose les bonnes questions ?

Un double discours insupportable

D’un côté, on stigmatise les gros succès. Les qualifiant d’œuvres faciles ou, je suppose, de « non complexes » ou de « non suffisamment complexes ». De l’autre, on s’insurge du désintérêt du public pour cette soi-disant littérature complexe. Comme si le succès était gage de médiocrité. Mais si c’était le cas, que seraient devenus Victor Hugo, Zola ? Et puis, si le succès est si méprisable, les défenseurs de la littérature complexe devraient se féliciter de ce « recul ». Ils devraient y voir un gage d’intelligence. C’est mathématique.

Tout ce qui a du succès n’est pas intelligent

La littérature complexe n’a pas de succès

Donc la littérature complexe est intelligente

Alors, pourquoi s’insurger du recul de la littérature complexe et surtout pourquoi culpabiliser le lecteur ?

Je sais, le raisonnement est un peu facile. Voir sophistique. Néanmoins, l’absurdité de la situation doit être dénoncée. Parce qu’il est facile de prétendre faire des œuvres « intelligentes » d’un côté et s’insurger du désintérêt d’un public qu’on mésestime de l’autre. Comme il est facile de sous-entendre que le désintérêt du public est une conséquence de sa faiblesse intellectuelle, de sa tendance à se laisser aller à la paresse. Comme il est facile d’utiliser les travers bien connus de notre époque engendrés par les écrans, les réseaux sociaux, la facilité des images, pour critiquer ce qu’on a peut-être soi-même engendré et éviter de se remettre question.

Et si on se posait les bonnes questions?

Plus personne ne conteste que dans un divorce, les deux parties ont généralement leurs torts. Plutôt que de s’insurger passivement contre les torts du lecteur, ne serait-il pas temps, pour les auteurs, les éditeurs et autres professionnels du livre, de se remettre eux-mêmes en question ?

N’ont-ils pas leur part de responsabilité dans la situation actuelle ?

Borges, un auteur sur lequel nombre d’auteurs contemporains s’appuient aujourd’hui pour justifier ce qui, parfois, relève du nombrilisme, s’abstienne de rappeler ce conseil qu’il donnait à ses étudiants  et sur lequel j’ai déjà insisté dans un autre article :‘si un livre vous ennuie, abandonnez-le ; ne lisez pas un livre parce qu’il est fameux, ou moderne, ou ancien. Si un livre vous ennuie, ne le lisez pas ; c’est qu’il n’a pas été écrit pour vous. La lecture doit être une des formes du bonheur ». Parce que selon lui, lire, c’est chercher un plaisir et un bonheur personnel.

Quelle peut bien être l’utilité de cette dichotomie entre littérature « complexe » et « non complexe ». N’est-ce pas ce genre de discours qui creuse le fossé entre la littérature et les lecteurs ?

Se faire plaisir et faire plaisir au lecteur

Il n’y a pas une manière de faire un livre. Il y a autant de manières de faire un livre que d’individualités. Il est primordial d’arrêter de sous-entendre le contraire. Ou de sous-entendre qu’il y aurait de meilleures manières de faire que d’autres. Si ce n’est que la seule voie possible soit celle de l’authenticité. Encore un héritage de ces génies que l’on cite à outrance et que l’on semble pourtant avoir oublié : un chef d’œuvre c’est un petit peu de talent mais c’est surtout beaucoup, beaucoup de travail. Et j’ai parfois l’impression qu’on néglige le travail au profit de considérations qui seraient plus orientées sur cette prétendue meilleure manière de faire, imposée par certaines affinités. La recette est amère. Elle ne fonctionne pas. Les seuls ingrédients qui comptent sont le travail, et l’authenticité. Le reste n’est que fanfaronnades. Etre authentique et fournir la quantité de travail nécessaire. La seule manière de se respecter soi-même et de respecter le lecteur.

Il y a de la place pour tout le monde. Pour toutes les affinités. Ni les affinités de l’auteur, ni celles du lecteur ne méritent d’être méprisées.

Remettre le lecteur au centre de nos préoccupations

Et si nous nous mettions à la place du lecteur. Comment ne pas comprendre qu’il puisse se sentir perdu face à la masse de livres qui sortent chaque année. Il y a plus de livres que de lecteurs.

De quels outils dispose-t-il pour se frayer un chemin dans cette énormité et s’assurer de trouver un bon livre. Un bon livre pour lui s’entend. Non pas celui qui aura gagné un prix ou qui aura été « validé » par les intelligents. Celui qui lui procurera le plaisir qu’est censée procurer la lecture.

Choisir un livre est devenu une loterie pour le lecteur. Un jeu dont il sort bien souvent perdant et qui le conforte dans l’idée que, la lecture, ce n’est décidément pas pour lui.

Mais la lecture est pour tout le monde. Il y en a pour tout le monde.

Littérature francophone versus littérature anglo-saxonne

Je suis toujours étonnée de constater la différence entre la littérature française et la littérature anglo-saxonne. La littérature française est si prétentieuse, sérieuse et grave qu’elle en devient parfois dégoûtante. Pire. Elle est devenue égoïste. Autocentrée sur ses propres tourments. Elle ne s’intéresse plus au lecteur. S’il ne la comprend pas c’est qu’il n’est pas assez malin, et tant pis pour lui. Parce que, elle, elle fait des choses intelligentes, et elle ne va tout de même pas s’abaisser à penser au plaisir du lecteur.

Mais quelle erreur. Aurait-on oublié que sans lecteur il n’y a pas de livre ?

La littérature anglo-saxonne n’a pas cette prétention. Il suffit de regarder la différence de culture entre l’édition des livres anglo-saxons et celle des livres francophones. D’un côté, vous avez l’impression d’être à Disneyland. Plein de couleurs, de différences, d’exubérances même. Du chaos peut-être un peu, mais quel plaisir. De l’autre, des couvertures ternes, respectant les mêmes codes sobres et tristes.

Comme si le baroque enlevait un peu de qualité au livre. Comme si se préoccuper du lecteur, lui procurer de la joie, était vulgaire. Quelle gravité ! Et si on arrêtait de se prendre au sérieux ?

Arrêter de se prendre au sérieux

D’où vient dans la culture francophone cet orgueil teinté de honte ? Comme si rire était honteux. Que pleurer serait plus noble. Comme si, les choses intelligentes devaient se mériter et donc forcément être pénibles voir chiantes. Et voilà comment notre littérature est devenue ennuyeuse pour une grande partie du public. Bien sûr, il ne faut pas généraliser. Mais il s’agit d’une tendance que les nouveaux auteurs, perdus au milieu de la masse, se croient parfois obligés de suivre. Oubliant leur cœur, cachant leur honte de préférer un auteur mineur à un majeur. Ayant peur de raconter une histoire. De plonger dans l’imaginaire. Nous sommes ce que nous sommes, arrêtons de tenter d’être autre chose. Assumons nos contradictions. Assumons notre capacité à aimer à la fois Proust et à la télé-réalité. Sublimons le médiocre parce que nous sommes tous aussi stupides que géniaux.

Si la réflexion est essentielle, le divertissement l’est tout autant. Et non, ces deux activités ne s’excluent pas. Au contraire. C’est quand elle se confondent qu’elles obtiennent les meilleurs résultats. C’est un principe général de solidarité, de nuance, de complémentarité, d’ouverture. Il ne suffit pas de se battre avec des mots contre le racisme et les inégalités pour avoir la conscience tranquille. Et agir avec les lecteurs comme ceux contre qui on se bat agissent avec les migrants : en les rejetant. En les dénigrants. En les désignant comme responsables de nos propres maux.

Parce que c’est une catastrophe. Avec une telle attitude, le divorce entre littérature et lecteur risque bien de devenir définitif.

Revaloriser la fiction et l’imaginaire

Peut-être le temps est-il aussi venu de revaloriser les histoires. Le message littéraire passe aussi par les histoires qui accueillent généralement le lecteur plus qu’elles ne l’excluent.  

Les histoires c’est pour les gosses ? Nous sommes tous des gosses. Et si les histoires réveillent le merveilleux de notre enfance, elles ne nous empêchent pas pour autant de grandir ni de réfléchir.

Revaloriser les histoires, et l’imagination qu’elles convoquent. La littérature est peut-être le dernier bastion contre les plaisirs faciles procurés par les écrans. Le dernier bastion contre ce monde « clé sur porte » dans lequel l’imaginaire se vautre dans une passivité gavée d’images. C’est l’imagination qui permet la pensée. Son originalité. Son mouvement. Sans imagination, l’homme n’est plus un homme. C’est d’ailleurs peut-être ce qui explique le succès que rencontrent aujourd’hui les livres Fantasy.

Je n’ai rien contre le fait de casser les codes, mais casser les codes, c’est aussi en créer de nouveaux. Et s’y enfermer me semble de peu d’intérêt.

Mea maxima culpa

Je sais que quand je relirai cet article publié, je me dirai que j’ai manqué de nuance sur tel ou tel point. Je sais aussi que des gens reviendront vers moi avec des arguments qui me forceront à pousser ma réflexion plus loin, que ces quelques mots sont trop simples. Que ma pensée demain aura évolué, dans un sens ou dans un autre. Qu’elle va se colorer. C’est comme ça qu’évolue la pensée. Assumons-le, les choses, jamais ne peuvent être figées. Toujours mouvantes. El le beau, le bien, l’intelligent sont des concepts qui se baladent, avancent, reculent. Personne ne peut dire à qui ou à quoi ils s’appliqueront demain. Par conséquent, une critique, un concours ne sont jamais que des avis. Fragiles. Mortels. Ne leur donnons pas tant d’importance. Si nous nous arrêtons à ce que les autres décident pour nous, nous ne pensons pas. Nous n’évoluons pas. Nous ne vivons pas.

Surtout, accordons-nous le droit d’apprécier ce qui est mal considéré. 

Quelques bons mots de Bernard pour finir

« Ce qui est nouveau fait peur à ceux qui se sont autoproclamés les «uniques représentants du système littéraire». Ce qui ouvre les horizons donne une impression de liberté difficile à supporter pour ceux qui vivent dans les entraves. Mais pourtant on ne pourra pas tout le temps vivre dans le nouveau roman et la littérature psychologique introspective sentimentale parisienne. Combien de temps les écrivains à la mode arriveront-ils à amuser la galerie avec leurs histoires de coucheries et leurs états d’âme existentiels ?
La littérature d’imaginaire a, à mon avis, une place méritée dans la littérature générale. Ne serait-ce que par respect envers les… lecteurs. »

Plaidoyer pour une autre littérature – Bernard Werber, Article paru dans le Figaro