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La Dame en blanc – Wilkie Collins

La Dame en blanc fait partie du peu de romans que j’ai relu plusieurs fois. Généralement je préfère les nouvelles découvertes, mais je n’ai pas pu résister à l’envie de relire ce livre qui m’avait laissé il y a plusieurs années une forte impression.

La Dame en blanc

Je vous ai déjà parlé de Wilkie Collins dans l’article sur son autre roman : Sans nom.

J’aime beaucoup cet auteur et je regrette vraiment qu’il ne soit pas plus connu aujourd’hui.

La Dame en blanc est un long roman 848 pages chez Archipoche. Publié d’abord en feuilletons dans le journal de Charles Dickens, entre novembre 1859 et octobre 1860, et rencontrera un vif succès.

Pour la petite histoire, le récit est directement inspiré d’une expérience personnelle de Wilkie Collins qui rencontra un soir, lors d’une promenade, une jeune fille mystérieuse, habillée en blanc qui disparaitra après lui avoir tenu des propos incohérents.

Après enquête, l’auteur découvrira que cette femme est séquestrée par son mari. Il la délivrera et ils vivront ensemble, amants, jusqu’à la mort de Wilkie Collins.

L’histoire

La Dame en blanc raconte l’histoire d’une femme, victime d’un infâme complot qui tentera, avec l’aide de sa sœur, Marian Halcombe et de son ami dévoué, Walter Hartright, de recouvrir ses droits et même son identité.

Le thème de l’identité, également présent dans Sans nom est effectivement un sujet cher à Wilkie Collins.

Le récit se déroule sous la forme d’une enquête et s’ouvre sur la rencontre étrange de Walter Hartright, une nuit, avec une femme habillée en blanc.

L’intrigue est recherchée, compliquée, et ne laisse aucun répit au lecteur que Wilkie Collins fait courir d’énigmes en énigmes.

Comme je le disais déjà dans mon article sur Sans nom, Wilkie Collins est un magicien. Il tisse, l’air de rien, la trame de son intrigue. Chaque élément est calculé, mesuré, pesé. Et tout est lié de manière cohérente.

Je ne vous e dit pas plus sur l’histoire. Ce serait inutile, tant les rebondissements sont nombreux.

Structure narrative

La Dame en blanc est un récit raconté successivement par différents personnages. On connait ce genre de procédé assez courant qui permet de montrer au lecteur la part de subjectivité inhérente à tout récit.

Ce qui est particulier dans la structure narrative de la Dame en blanc, c’est la manière dont cette polyphonie s’agence. Les différentes parties du récit sont chaque fois racontées par le protagoniste qui a vécu les faits et qui est le plus à même d’en parler.

Wilkie Collins utilise en quelque sorte la forme du procès pour structurer son récit. L’histoire est en effet racontée comme elle aurait pu l’être devant un tribunal. Les différents protagonistes interviennent en qualité de témoins. Le lecteur jouant quant à lui, d’une certaine manière, le rôle du juge qui entendrait tous ces témoignages pour tenter de reconstruire lui-même le déroulé des faits.

L’auteur pousse l’analogie assez loin en donnant la parole à tous les témoins, quel que soit leur métier, leur classe, leur niveau d’éducation ou leur sexe, mais également en allant jusqu’à produire le « témoignage » fournit par une inscription funéraire. Témoignage que l’on pourrait tout aussi bien appeler « pièce à conviction ».

Cette analogie structurelle avec la tenue d’une affaire judiciaire est évidemment voulue par Wilkie Collins et, il faut le dire, fonctionne à merveille, puisque cette forme est amplement justifiée par la nature même du récit.

Wilkie Collins parvient d’ailleurs un tour de force impressionnant en reliant à la fin de l’histoire cette forme particulière au récit lui-même. Mais je n’en dirai pas plus.

Genre

On retrouve dans la Dame en blanc un début qui relève plutôt du romantisme anglais et qui, progressivement va se transformer pour prendre une forme plus gothique, avec des cimetières, des ruines, des rencontres nocturnes, un asile psychiatrique, etc.

Ambiance angoissante à laquelle Wilkie Collins rajoute beaucoup de tensions, des secrets de famille, et un brin de perversité.

La Dame en blanc est un roman du 19ème, il faut aimer ce genre de littérature, mais la plume de Wilkie Collins est suffisamment alerte et vive pour n’être pas ennuyeuse et conserver une certaine modernité.

Les personnages de la Dame en blanc – un roman de femmes

La Dame en blanc est assurément un roman de femmes. Hormis Walter Hartright, les personnages pivots de cette histoire sont des femmes. Des femmes différentes, ayant chacune leurs points forts et leurs faiblesses. La jeune Marian Halcombe porte bien son prénom et est digne de représenter les plus fervents combats féministes.

Elle est intelligente, moderne, vive, et regrette souvent de ne pas être un homme, ce qui suffit pour montrer sa modernité.

Sa sœur Laura est peut-être un peu plus fade, mais elle reflète une réalité et surtout la condition de la femme à cette époque. Je considère en effet que Laura incarne l’image de l’idéal de la femme de ces temps qui ne sont pas si reculés. Un être fragile, faible, dépendant, voire insipide.

Et si Laura ennuie peut-être un peu le lecteur c’est qu’il y a, pour nous, lecteurs contemporains, quelque chose de choquant voire de dérangeant dans cette peinture trop lisse de la femme.

Par ailleurs, la pâleur de Laura permet d’accroitre le contraste avec sa sœur, Marian. Contraste qui rend l’ensemble du récit d’autant plus émouvant.

Néanmoins, quel que soit leur sexe, tous les personnages sont fouillés et contrastés. Ils sont tous différents et Wilkie Collins parvient à leur donner une voix propre malgré leurs différences. Difficile d’imaginer qu’il n’y ait qu’un seul homme derrière tous ces personnages.

Quelques considérations personnelles

Je suis toujours aussi fascinée par la force de Wilkie Collins qui construit ses intrigues et ses complots d’une manière rarement égalée.

Un rythme soutenu renforce le suspense pour s’assurer, à chaque instant, l’attention du lecteur. Ce, même lorsqu’il se hasarde à quelques descriptions. Il parvient littéralement à obséder le lecteur.

La tension est omniprésente et même les éventuelles longueurs sont rapidement balayées par l’avidité du lecteur impatient.

J’ai en effet toujours considéré ce livre comme fondateur pour moi. Jusque là, je songeais à la Dame en blanc sans hésiter lorsqu’on me parlait de mes « livres préférés », même si je n’aime pas tellement ce terme tant les préférences sont toujours liées à des éléments changeants.

D’ailleurs, avec cette deuxième lecture, je serai plus nuancée que je ne l’ai été jusqu’ici.

Je regrette effectivement un peu cette tension permanente qui fait obstacle à une lecture plus réflexive. Le lecteur est tellement plongé dans l’intrigue qu’il en perd presque la tête et l’esprit.

Par conséquent, après réflexion, il me semble que Sans nom est à ce titre infiniment plus intéressant. L’intrigue et le suspense y sont peut-être moins soutenu, mais le roman est plus équilibré. L’intrigue laisse plus de place au lecteur. À ses pensées, aux réflexions que lui inspirent le récit.

Je comprends donc finalement (il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis) pourquoi de tous les romans de Wilkie Collins, c’est Sans nom que Dickens préférait.

Par contre, la Dame en blanc est peut-être un roman plus adapté à des lecteurs qui ont perdu l’habitude de lire et dont l’intérêt nécessite d’être quelque peu stimulé.

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Le Moulin sur la Floss – George Eliot

Le Moulin sur la Floss
Le Moulin sur la Floss

Le Moulin sur la Floss a été publié pour la première fois en 1860.

Époque où le romantisme anglais se développe. Et dont le roman relève en partie, même s’il est probablement plus réaliste que romantique.

C’est un roman relativement long (697 pages chez folio classique).

Le récit se déroule dans l’Angleterre rurale du XIXème siècle. Histoire de famille, fresque sociale, roman psychologique, le Moulin sur la Floss, est riche.

L’histoire

C’est l’histoire de Maggie qui, on le comprend dès le début, est différente. Elle a l’esprit vif et, on pourrait dire, qu’elle est légèrement en avance sur son temps.

Son impulsivité, son besoin d’émancipation mais aussi sa curiosité, la rendent souvent maladroite. Et elle désespère sa famille, sa mère et ses tantes surtout.

Elle le regrette. Elle aimerait être aussi sage et distinguée que sa cousine. Mais elle ne peut aller contre sa nature et luttera entre ces deux influences tout au long du livre.

Elle se retrouve donc coincée entre ses propres instincts et les principes de son époque incarnés de manière presque caricaturée par sa mère, ses tantes, mais surtout son frère.

Le lien entre Maggie et son frère Tom est très fort. Mais cet amour fraternel est malmené et menacés par des conceptions, des caractères et de valeurs qui s’opposent.

L’histoire est relativement simple. Pas d’intrigue compliquée. Pourtant le Moulin sur la Floss fait passer le lecteur du rire aux larmes en passant par la crainte. Et la succession de ces émotions rend le roman difficile à lâcher.

Les personnages

Le personnage de Maggie est particulièrement intéressant, parce qu’il est subtilement nuancé. Ni tout à fait révolutionnaire, ni tout à fait soumises. Entre les valeurs que lui présente la société et ses propres sentiments et intuitions Maggie est plus perdue que révoltée. Le lecteur suit en cela plus une errance qu’un combat et c’est particulièrement touchant.

Certains personnages, comme les tantes, sont légèrement caricaturés, mais de ces caricatures qui nous font rire et en même temps soulèvent tout le ridicule de certaines constructions sociales.

J’ai particulièrement été touchée par le père de Maggie, Monsieur Tulliver. Tellement têtu que j’ai souvent eu envie d’entrer dans le roman pour le secouer et lui montrer à quel point son obstination était ridicule. Et pourtant, on ne peut pas lui en vouloir. On ne peut qu’être attendri par cet homme qui n’a pas trouvé d’autre moyen de s’en sortir avec ce qu’il appelle lui-même ce casse-tête qu’est la vie.

Le style

Le roman est fluide. Les phrases, les images, les descriptions coulent à travers les pages comme l’eau de la Floss dans le roman dans un style intimiste, poétique, romantique, mais aussi légèrement ironique.

Certains parlent de longueurs, encore une fois, je n’en ai ressenti aucune. Il y a peut-être confusion entre longueurs et rythme. Il est vrai que le récit tantôt s’accélère, tantôt ralentit. Mais ces variations me semblent indispensables pour laisser au lecteur le temps d’assimiler toute la richesse du roman.

Le Moulin de Dorlcote laisse dans l’esprit du lecteur une image qui risque bien de l’accompagner toute sa vie. Comme un endroit magique, romantique, dans lequel il peut lui-même se retirer pour méditer. Plus qu’un lieu, George Eliot en fait tout un symbole.

Le Moulin sur la Floss interroge

Le Moulin sur la Floss, à travers l’histoire de Maggie, ses relations au monde, à sa famille mais également ses propres conflits psychologiques, pose énormément de questions. Questions auxquelles George Eliot a la sagesse de ne pas prétendre avoir les réponses. Puisque chacun devra trouver les siennes. Puisque chacun fait comme il peut avec ce casse-tête qu’est la vie.

Il sonde ainsi notamment l’enfance. Sa magie, son innocence, mais aussi son pouvoir inconscient sur notre manière d’aborder le présent.

Il aborde également la position de la femme dans le monde. Son besoin d’indépendance sans cesse confronté non seulement aux réalités sociales mais également à la dépendance psychologique de la femme. Dépendance dont il est autrement plus difficile de se défaire que de la « simple » dépendance financière.

À cet égard, le renoncement de Maggie peut nous paraître frôler l’absurde. N’oublions pas que nous appartenons à autre siècle.

Certains déplorent que George Eliot ferait dans le Moulin sur la Floss l’apologie du renoncement. Je ne partage pas cet avis. Encore une fois. George Eliot interroge, sans juger ni décider à notre place ce qui est juste ou non.

En ce qui concerne le renoncement, je dirais même qu’en nous peignant les conséquence absurdes et malheureuses qui peuvent en découler lorsqu’il est poussé à l’excès, il difficile de prétendre que l’auteur nous inviterait d’une quelconque manière à suivre cet exemple.

Le Moulin sur la Floss nous montre par contre, avec humour et poésie, la nécessité de nous interroger constamment pour ne pas rester enfermer dans un système de pensées, un point de vue dont, à défaut de remise en question il n’est pas possible de voir l’absurdité ou les défaillances.

Un petit mot sur la fin

La fin m’a surprise, je ne vous le cacherai pas. Dans un premier temps, je me suis même sentie déçue. J’ai eu l’impression que Maggie avait encore beaucoup de chemin à faire. Que ça ne pouvait pas se finir comme ça. Que c’était comme si George Eliot en avait eu marre et avait mis brusquement un terme à son histoire. Et dans un premier temps j’ai donc trouvé cette fin trop facile et trop expéditive.

Et puis, en constatant à quel point cette fin restait incrustée dans mon imaginaire, j’ai changé d’avis.

La fin est douloureuse et émouvante, mais, je l’ai compris plusieurs jours après avoir refermé le livre, c’est aussi un magnifique message d’espoir et d’amour. Parce que c’est bien l’amour que fait finalement triompher George Eliot.

Je me suis également rendu compte qu’en plus, en terminant le roman comme elle le fait, non seulement George Eliot fait triompher l’amour, mais elle invite le lecteur à dépasser son propre égoïsme.

La fin est telle qu’elle doit être, même si elle frustre le lecteur qui en aurait voulu plus et peut-être autrement. Le lecteur doit donc mettre sa frustration de côté et reconnaître que cette fin est magnifique. Même si elle est différente de ses attentes.

George Eliot parvient ainsi en terminant son histoire, à la rendre tout simplement immortelle.

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Jude l’Obscur – Thomas Hardy

Jude l’obscur est publié en 1895. Ecrit par Thomas Hardy. Un auteur malheureusement un peu méconnu aujourd’hui, ce qui est d’autant plus étonnant que plusieurs de ses œuvres, dont Jude l’Obscur, ont été adaptées au cinéma.

Jude l'Obscur

Pour la petite histoire, il est initialement paru sous forme de feuilletons.

À sa sortie, il fait scandale et sera même brûlé en public.

C’est le roman le plus sombre de Thomas Hardy, et aussi son dernier.

L’histoire

Un roman troublant. Sombre et triste. Mais aussi romantique et surtout très émouvant.

Une magnifique histoire d’amour mais aussi une grande histoire sociale.

Bien qu’il ait donné son titre au livre, Jude l’Obscur n’est pas seulement l’histoire de Jude. C’est aussi celle de Sue. De leur amour, de leur misère et de leur lutte contre l’ordre social établi. Les institutions comme le mariage, mais aussi la religion et les classes sociales.

Jude voudrait entrer à l’université. Il étudie, seul dans son coin tout en essayant de gagner maigrement son pain. Mais quand se procurer des livres est déjà un obstacle, se hisser au-dessus de sa condition sociale paraît impossible.

Sue de son côté refuse la soumission qu’impose sa condition de femme. Intelligente, instruite, ouverte d’esprit, elle cherche à s’affranchir de la société et surtout des règles qu’on lui impose en tant que femme. Raison pour laquelle elle refuse le mariage. Un personnage qui semble taillé sur mesure pour plaire aux féministes. 

Il faut bien comprendre qu’à l’époque, vivre hors mariage est un crime. Mais Sue a ses convictions et préfère vivre dans ce que la société considère comme un péché plutôt que de sacrifier son indépendance.

Malheureusement, Jude et Sue ne font pas le poids face à cette société. Qu’ils s’y soumettent ou non, ils n’y échapperont pas.

Je vous l’ai dit, c’est une histoire triste. Peut-être la plus triste et émouvante que j’ai jamais lue.

Jude et Sue ne sont pas de taille face à cette société qui va littéralement les broyer.

Critique sociale

À la base, Thomas Hardy voulait montrer au monde les difficultés que rencontraient les non-privilégiés qui, à l’époque, désiraient s’instruire.

Le roman va toutefois bien au-delà puisque la critique de l’institution du mariage est aussi centrale que celle de l’éducation et de la classe sociale.

La question que pose le roman, c’est au fond celle de savoir s’il est possible d’être différent. Et si oui, dans quelle mesure.

Parce qu’être différent, c’est remettre en cause les choix de la société, de l’ordre établi.

Si l’éducation et le mariage ne sont plus aussi rigides qu’à l’époque, la question demeure toutefois d’actualité. On peut en effet se demander s’ils ne pourraient pas aujourd’hui être remplacés par d’autres phénomènes tels que la mode, le consumérisme ou les réseaux sociaux.

Jude l’Obscur évoque aussi, dans ce contexte, la complexité de l’homme qui, alors qu’il est convaincu lui-même de vouloir une chose se laisse parfois détourner de ses objectifs. Il montre le tiraillement de l’homme entre ses rêves lointains et ses plaisirs immédiats. Les déchirements de l’âme humaine que ces tensions engendrent. Sur ce point encore, le roman demeure éminemment moderne.

Le pessimisme de Jude l’Obscur

Comme je l’ai déjà dit, le roman n’est pas très optimiste. L’histoire ne donne aucun espoir.

Généralement, je n’aime pas tellement les histoires aussi tristes. J’ai besoin d’espoir. De croire qu’il y en a toujours. Pourtant, j’ai été profondément marquée par Jude l’Obscur. L’histoire est poignante et on ne peut pas regretter de se plonger dans un tel récit.

Peut-être est-ce parce que l’espoir est à trouver ailleurs. Dans l’impact que ce récit ne peut manquer d’avoir sur le lecteur. Jude l’Obscur ne peut que le révolter, lui donner envie d’être meilleur et peut être de tenter pour sa part de changer ce qu’il peut.

Peut-être que ce que Thomas Hardy tente de nous dire c’est : voyez comme ils ont été broyés par la société. Vous sentez que c’est injuste. Et triste, et qu’on ne peut pas leur reprocher de ne pas avoir essayé. Alors réveillez-vous.

À l’époque les gens se sont sentis insultés. Ils n’ont pas supporté et le roman a fait scandale.

Aujourd’hui, avec l’évolution des mentalités, le roman ne nous parait plus scandaleux. Mais il n’empêche que son effet coup de poing demeure intact. Peut-être même est il plus utile de nos jours, avec plus de recul. Quelque part, Thomas Hardy était un peu trop en avance pour son époque.

Quoiqu’il en soit la lecture de Jude l’Obscure continue de faire réfléchir.

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Melmoth – Charles Robert Maturin

Melmoth, publié en 1820 est un grand roman, généralement comparé à Faust de Goethe. Malgré le succès qu’il aura au 19ème (et même au début du 20ème) et son influence sur de nombreux auteurs demeurés célèbres aujourd’hui (Balzac notamment), il n’a malheureusement pas traversé la culture populaire (mais nous pouvons toujours faire changer les choses).

Melmoth

Le roman est très long, 807 pages chez Libretto.

C’est l’histoire d’une âme damnée, celle de Melmoth. Une histoire qui n’est pas de celles qu’on résume.

Les huit cent pages du roman défilent facilement. Il y a peut-être juste quelques passages un peu plus longs ou lents au milieu du roman, mais qui n’enlèvent rien à sa qualité et permettent peut-être au lecteur de souffler un peu. Parce que les histoires de Melmoth sont particulièrement sombres et tragiques.

Les histoires de Melmoth

Ce n’est pas une faute, j’ai bien écrit les histoires au pluriel. Parce que c’est effectivement au travers de différents récits que l’on découvre progressivement Melmoth.

C’est ce qu’on appelle un roman à tiroirs. Un récit construit comme des poupées russes. Un personnage rencontre un personnage qui lui raconte une histoire. Dans cette histoire, un personnage raconte lui-même une autre histoire, dans laquelle un nouveau personnage raconte à son tour une histoire, et ainsi de suite.

Il y a au total six récits. Et si l’histoire de Melmoth constitue le fil conducteur du roman, chaque récit pourrait à lui seul former un roman. On a donc l’impression de lire plusieurs récits successifs.

Si ce procédé offre l’avantage au lecteur de découvrir Melmoth à travers des voix narratives très différentes, il peut néanmoins avoir quelque chose de déroutant voir de frustrant. On quitte, parfois un peu brusquement, une histoire pour se plonger dans une autre.

Et si c’est frustrant, il faut le dire, c’est surtout parce que l’auteur prive le lecteur de récits de qualité qu’il regrette d’être contraint de quitter.

La frustration est peut-être aussi provoquée par la relative absence de Melmoth dans ces différents récits. Il est toujours présent, certes, mais il est, d’une certaine manière, secondaire, voire même parfois, effacé.

Encore un tour de force d’ailleurs de construire la vie d’un homme à partir de récits dans lesquels cet homme intervient comme personnage qu’on pourrait presque qualifier de secondaire.

L’ensemble prend néanmoins tout son sens au fur et à mesure de la lecture.

Un roman protéiforme

S’il s’agit sans conteste d’un roman gothique, on le qualifie aussi généralement de fantastique et de romantique.

Roman gothique

Tous les éléments du gothique sont en effet présents dans Melmoth : l’ambiance, la présence de la nature, du mystère et surtout, des ténèbres. On y retrouve absolument tout, l’auteur ne nous épargne rien : prisons de l’inquisition, passages secrets, ruines, châteaux sombres, cachots, monastères austères, cimetières, orages, tempêtes, etc.

Tension entre fantastique et réalisme

Le roman est également souvent qualifié de fantastique en raison du personnage même de Melmoth. C’est pourtant pratiquement le seul élément fantastique du roman. Ce qui en fait d’ailleurs probablement toute sa force.

L’auteur fait en effet évoluer Melmoth dans un monde qui s’assimile à celui du lecteur.

Or, ce contraste entre Melmoth, personnage maléfique imaginaire et le contexte réaliste du roman crée une tension particulièrement intéressante, puisqu’elle renforce l’« effet miroir » de la lecture. Le lecteur ne peut effectivement pas se retrancher derrière le caractère exagérément fantastique du récit pour s’épargner certains questionnements que ce dernier lui pose.

Melmoth : un personnage romantique

Nous avons vu que les éléments gothiques et romantiques présentent beaucoup de similarités. Ce n’est donc pas étonnant que le roman puisse être à la fois qualifié de gothique et de romantique.

Néanmoins, je préciserais que si le roman est incontestablement gothique par son ambiance ou disons, plus généralement, par sa forme, Melmoth, lui, est incontestablement un personnage romantique.

Certes, Melmoth est un suppôt de Satan, l’incarnation du mal. Un personnage que tout le monde craint.

Néanmoins, nous découvrons un personnage tiraillé d’envies et de sentiments contradictoires. Donnant une apparence d’insensibilité totale mais dont le lecteur sent pourtant très clairement toute la souffrance. Melmoth est à la fois cynique et mélancolique. Indifférent et passionné.

Le personnage est à ce point bien réalisé que le lecteur finit par se surprendre à le plaindre, voire même à s’y identifier. Parce qu’il incarne toutes les contradictions insolubles de l’homme.

Melmoth se montre donc plus complexe qu’il n’y paraît. Un être humain avant tout. Un homme qui a cédé à ses faiblesses et vendu son âme au diable. Mais le lecteur le sent, ces faiblesses sont le lot de chacun. Chaque être humain sur terre partage les faiblesses de Melmoth.  Melmoth est notre part de ténèbres à tous.

Thèmes abordés

Parmi les thèmes abordés, il y a certes une critique sociale de l’Angleterre du 19ème ainsi qu’une remise en cause de l’Eglise.

Si ces thèmes sont historiquement intéressants, ce qui contribue selon moi à l’intemporalité de Melmoth, ce sont les questions que le roman soulèvent concernant l’homme, et plus particulièrement, ses contradictions et sa spiritualité.

Les problèmes qu’ils soulève concernant l’humanité, la part d’ombre en chacun de nous et les possibilités de la gérer demeurent en effet éminemment contemporaines. Et c’est, je pense, surtout pour cette raison qu’il a tant influencé les grands auteurs du 19ème siècle.

Disponible en ligne gratuitement

Pour les adeptes de la lecture numérique, sachez que Melmoth est disponible gratuitement en ligne : feedbooks

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Sans nom – Wilkie Collins

Sans nom, publié en 1862 est un gros roman, 829 pages aux éditions Phébus libretto.

Sans nom - Wilkie Collins

Wilkie Collins est un écrivain britannique de l’époque victorienne, contemporain et ami de Dickens (ils ont même écrit un livre ensemble). Généralement considéré comme le père du roman policier quoique malheureusement trop méconnu.

Si Wilkie Collins était en effet aussi populaire que Dickens à l’époque victorienne, il est aujourd’hui moins connu que son ami. Un des grands mystères de la postérité.

Il semblerait que Sans nom soit, parmi les romans de Wilkie Collins, celui que préférait Dickens.

L’histoire

Un début un peu lent

J’ai trouvé les deux cent premières pages assez longues. Wilkie Collins nous dépeint pendant toutes ces pages la vie d’une famille heureuse où grosso modo tout se passe pour le mieux.

En effet, la famille Vanstone, les parents et leurs deux filles, vivent un bonheur complet. La famille est aisée, privilégiée, et tout le monde s’aime.

À ce tableau familial idyllique, il faut ajouter une gouvernante qui fait presque partie de la famille et qui d’ailleurs est restée au service des Vanstone alors que les filles n’avaient plus besoin de gouvernante depuis longtemps.

Hormis quelques petites histoires somme toute assez banales et une description des liens entre ces différentes personnes, j’ai trouvé qu’il ne se passait pas grand-chose durant ces premières pages.

C’est là qu’on se rend compte que le lecteur est un personnage compliqué. Il n’aime pas quand ça se passe mal, souffre avec les personnages, mais quand tout se passe bien, il s’ennuie.

À la fin du livre, je me suis demandé sincèrement si ces pages étaient de trop, et je dois vous avouer que non. Elles permettent en effet au lecteur de mieux comprendre la complexité autant de l’intrigue que des personnages. Et si le lecteur accepte de faire preuve de patience, je lui garantis qu’il sera récompensé de ses efforts.

Quand l’histoire bascule

Wilkie Collins nous dépeint donc pendant approximativement deux cent pages un bonheur presque complet. À la limite du tableau naif.

Mais tout d’un coup, l’histoire bascule avec la mort inopinée des parents Vanstone. Dès cet instant, le lecteur n’aura de répit qu’une fois le roman terminé. Et quand ce sera fini, il ne pourra s’empêcher de le regretter.

Vous vous demandez peut-être pourquoi la mort des parents Vanstone fait basculer la vie de leurs filles. Ils étaient riches et leurs filles à leur mort devraient hériter de leur fortune et être ainsi à l’abri du besoin pour épancher leur tristesse.

Ça ne sera pourtant pas le cas. La mort des parents Vanstone prive les sœurs Vanstone non seulement de leur affection mais les dépossède aussi de toute leur fortune et même de leur nom, ce qui, à l’époque, signifie leur identité.

Les sœurs Vanstone ne se retrouvent pas ainsi dépossédées en raison d’un « complot fomenté par des gens du meilleur monde » comme l’indique erronément la quatrième de couverture mais en raison d’une conséquence absurde du système juridique de l’époque. Ce faisant, Wilkie Collins renforce sa critique de la société victorienne.

Je ne vous en dirai toutefois pas plus sur cette question afin de ne pas priver le lecteur, qui souhaiterait lire le livre, du plaisir de découvrir lui-même les raisons de ces circonstances malheureuses pour les sœurs Vanstone.

Une histoire de vengeance

Les sœurs Vanstone sont très différentes. La première, Norah, est raisonnable, posée et accepte son sort avec résignation. La seconde, Magdalen, est fougueuse, légèrement orgueilleuse et, à l’inverse de sa sœur, refuse de se soumettre à un sort qu’elle estime injuste. Elle projette donc de se venger.

Dès cet instant, Sans nom devient une histoire de vengeance. La vengeance d’une femme qui est prête au pire pour réparer l’injustice donc elle estime être victime.

Et de complots en complots, Sans nom, qui ressemblait jusque là à une douce ballade, tient le lecteur par les tripes pour ne plus le lâcher.

Wilkie Collins est un tisserand. Il jongle admirablement avec les éléments du récit. Pèse ce qu’il dévoile et ne dévoile pas, donnant ainsi l’occasion au lecteur de participer à la création de l’histoire, ce qui crée l’attachement à la lecture. Le lecteur anticipe. Parfois il est dans le bon, parfois pas. Il joue avec sa propre imagination, qu’il tente de faire dialoguer avec celle de l’auteur.

Certains regrettent le côté ‘fleur bleue’ de la fin de Sans nom. Personnellement, je trouve plutôt réconfortant que Wilkie Collins arrive à tirer une fin positive d’un roman aussi noir.

La construction du récit

Si la majeure partie du récit nous est racontée par un narrateur extérieur, de manière somme toute assez classique, elle présente toutefois deux caractéristiques intéressantes.

La première est de découper la narration de manière « géographique ». Liant de cette manière l’évolution de l’histoire à des lieux très précis.

La deuxième particularité est d’avoir entrecoupé chaque bloc de narration géographique par ce que l’auteur appelle des « intermèdes ». A savoir, des lettres envoyées par les différents protagonistes de l’histoire.

Le procédé permet au lecteur de pénétrer le point de vue des différents protagonistes du récit et donc de se faire une idée plus riche de l’histoire, d’élargir son point de vue et de se forger ainsi sa propre opinion.

Les personnages

Les personnages, comme toujours chez Wilkie Collins, sont attachants et crédibles.

Il parvient à rendre drôles et sympathiques des personnages à la moralité douteuse. Le capitaine Wragge que je vous laisse découvrir si vous décidez de lire le livre est un personnage objectivement méchant et méprisable, mais il est peut-être le plus drôle et le plus touchant du récit.

Par ailleurs, en nous présentant au début du récit Magdalen comme une jeune fille innocente et pure quoique légèrement fougueuse, Wilkie Collins nous montre la part d’ombre que recèle toute âme humaine.

Pour conclure

Wilkie Collins est un Maître magicien. Il fait défiler les pages, emporte le lecteur d’un bout à l’autre des possibles, fait disparaître ses descriptions grâce à l’intensité de son récit. Je suis d’ailleurs toujours étonnée quand un lecteur me dit avoir trouvé les descriptions trop longues tant je ne me suis même pas aperçue qu’il y en avait.

Il parvient en outre à mettre de l’optimisme et de l’espoir dans un roman noir.

S’il abuse parfois du hasard, le style, la narration, les personnage et l’intrigue, tout est admirablement travaillé. Ce qui ne l’empêche pas, au contraire, de convoquer sans arrêt l’imagination du lecteur pour le tenir en haleine. Et intégrer littéralement le lecteur à la création du récit.

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Villette – Charlotte Brontë

Villette, publié en 1853, est moins connu que Jane Eyre. Chose étrange s’il en est, tant ce roman me semble sinon le surpasser, à tout le moins l’égaler.

En ce qui me concerne, j’ai largement préféré Villette à Jane Eyre.

Le roman est assez long (710 pages chez Archipoche). Cependant, si vous aimez ce genre d’histoire, nul doute que vous le trouviez trop court.

L’histoire

Villette est le nom d’un village francophone généralement assimilé à Bruxelles, où Lucy Snowe échoue après quelques pérégrinations familiales.

Lucy Snowe est une jeune anglaise qui ne parle pas un mot de français et qui parvient à se faire engager dans un pensionnat de jeunes filles.

Protestante dans une ville papiste, isolée au milieu de gens avec lesquels elle ne partage ni la langue, ni les mœurs, ni la foi, elle se sent incomprise. Ne trouve pas sa place.

Lucy Snowe nous raconte son histoire comme elle le ferait à son journal, nous confiant ses états d’âme dans tout ce qu’ils peuvent avoir de plus torturé et de contradictoire.

Certes, il ne s’agit pas d’un roman d’aventure. Villette est plus un roman psychologique. L’aventure de Villette est celle d’une âme humaine.

Mais qu’est-ce qui, dans la vie ordinaire de Lucy Snowe, peut bien la tourmenter? Ce qui nous tourmente tous. L’amour, nos relations sociales, notre rapport au monde et à la vie.

Il ne s’agit pas pour autant d’un roman contemplatif, même si Lucy Snowe expose par moments des scènes de sa vie comme si elle en était elle-même absente.

Un retrait qui contraste d’ailleurs avec la violence et l’importance que prennent à certains moments ses états d’âme contradictoires. Contraste qui rend le roman extrêmement vivant et qui, peut-être participe à la facilité avec laquelle les pages se tournent.

Romantisme Anglais

On retrouve dans Villette toutes les caractéristiques du romantisme anglais, notamment par l’attention portée aux sens :

« La vie reste toujours la vie, quelles qu’en soient les angoisses et nous sommes toujours en possession de nos yeux et de nos oreilles, la perspective de ce qui nous plaît et le son de ce qui nous console fussent-ils abolis »

Villette – Charlotte Brontë

La morosité du pensionnat et les états d’âme tourmentés de Lucy Snowe créent en effet une atmosphère sombre sans toutefois être sinistre. À la fois passionnée et paisible. Cette atmosphère pourrait être décrite avec les mots mêmes du roman : « une demi-obscurité » qui fait « l’effet d’une caresse pleine de pitié« .

Enfin, quoique le lecteur n’ait que le point de vue de Lucy Snowe pour aborder son histoire, Villette ne prétend à aucune vérité.

Non seulement le roman assume qu’il n’expose qu’un seul point de vue, mais les états d’âme contradictoires de Lucy Snowe renforce également cette idée qu’il n’y a pas de vérité. Qu’il n’y a que la vie telle que nous la ressentons. Et la nécessité pour Lucy Snowe, comme pour chacun d’entre nous, de créer son propre rapport au monde.

Les personnages

Les personnages de Villette sont profonds, crédibles et attachants.

Mais la force des personnages de Villette va plus loin. Villette ne se limite pas à nous présenter une palette de personnages bien construits. Le roman parvient à changer progressivement le regard du lecteur sur ces personnages.

Si les personnages, comme dans tout bon récit, évoluent au fil de l’histoire, une part importante de ces évolutions se situent surtout non seulement dans le regard de Lucy Snowe, mais également dans celui du lecteur.

Le lecteur se surprend ainsi à aimer des personnages qu’il n’appréciait pas particulièrement au début du roman.

Charlotte Brontë parvient à nous rendre aimables des personnages pour lesquels elle avait commencé par éveiller chez le lecteur un brin d’antipathie.

Un individu qui, au début de l’histoire, nous paraissait déplaisant, colérique ou rigide se transforme progressivement en comparse aimable et chaleureux (et vice versa). Et cette évolution n’est pas une transformation du personnage lui-même, mais bien un élargissement de la connaissance du personnage. La découverte progressive de sa complexité.

En cela, Villette nous montre comment notre regard sur les gens peut se modifier et surtout que l’impression qu’ils nous font est avant tout une création personnelle qui n’a peut-être que très peu de choses à voir avec ce qu’est véritablement la personne que nous enfermons dans nos impressions.

Une belle remise en question de sa propre subjectivité donc que le texte du roman ne contredit pas :

« Combien de caractères différents et contradictoires ne nous attribue-t-on pas, selon que nous jugent les uns et les autres. »

Villette – Charlotte Brontë

Cyclothymie

Lucy Snow est indépendante, passionnée, exigeante, intelligente. À l’image des sœurs Brontë telles qu’on se les représente aujourd’hui.

Villette

Ambiguë aussi. Tantôt rigide, tantôt sensible. À la fois discrète, presqu’effacée et en même temps orgueilleuse. Cette ambiguïté la rend particulièrement attachante.

D’aucuns diront que cette ambiguïté cache peut-être, derrière une apparence effacée et calme ce qu’on appellerait aujourd’hui un trouble cyclothymique. Trouble que l’on a tendance à attribuer à Charlotte Brontë elle-même. Tantôt résignée, désespérée, tantôt révoltée et plaine d’espoir.

Si la cyclothymie est considérée comme un trouble psychologique, qui n’a toutefois jamais alterné entre joie et tristesse ? La vie elle-même n’est-elle pas constituée d’alternance de plaisirs et de souffrances ?

Est-ce Lucy Snowe et Charlotte Brontë qui présentent un trouble cyclothymique ? Ne serait-ce pas plutôt un trouble inhérent à la vie elle-même ? Car en effet, comment pourrait-on connaitre la joie sans avoir connu la tristesse ? La cyclothymie que l’on catégorise aujourd’hui comme trouble mental n’est-elle pas l’expression même de la vie ?

Vous me direz que tout est question de degré. Et vous aurez probablement raison.

D’autant que je suis mal placée pour me permettre une telle considération puisque cette vision cyclothymique de la vie est probablement liée à mes propres troubles. Je n’ai toutefois aucun moyen de le savoir.

Quoi qu’il en soit, il me semble qu’aucun lecteur ne pourra pénétrer les états d’âme de Lucy Snowe sans entendre l’écho de ses propres tourments.

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Mauprat – George Sand

Mauprat George Sand

Mauprat, dont l’action se situe au 18ème siècle n’est pas un long roman. 434 pages aux éditions folio classique.

Mauprat George Sand

Il aborde des thèmes tels que l’éducation, le féminisme, mais encore, l’égalité. Thèmes qui, on le sait, sont chers à George Sand.

Le roman est ce qu’on appelle protéiforme.

Roman d’amour, roman d’apprentissage, et même, diront certains, roman gothique (avis que je ne partage pas tout à fait comme vous le verrez ci-dessous).

L’histoire

Les Mauprat se partagent en deux branches. L’une honorable, l’autre terrifiante, surnommée d’ailleurs les Coupe-jarret. Des bandits reclus dans leur château sombre et délabré. Débauchés, vivant comme les plus ignobles seigneurs du Moyen-Âge, ne payant ni leurs gens ni leurs dettes et ne reculant devant aucune vilenie pour faire régner la terreur.

Bernard, qui nous raconte son histoire, a été recueilli enfant par les Mauprat Coupe-jarret et va donc grandir entre terreur et violence.

Dès le début du roman, et quoique Bernard fasse preuve d’une grande sévérité envers lui-même, on sent qu’il s’est toujours senti en décalage avec les Mauprat Coupe-jarret. N’ayant toutefois aucun modèle de comparaison, il s’est développé sans prendre conscience de la violence atypique de cette famille. Imaginant que cette manière de vivre était une chose tout à fait normale.

Souvent maltraité, sans personne pour cultiver en lui aucune valeur, il a fait comme il a pu pour survivre. Devenant lui-même brusque et intempérant. Sauvage.

Un jour, les Mauprat Coupe-jarret ramènent au château Edmée, leur cousine issue de la branche honorable de la famille. Alors qu’ils se réunissent pour discuter de son sort, qu’on imagine peu enviable, elle se retrouve seule avec Bernard. Interpellée par la complexité de Bernard, à la fois différent des Coupe-jarret et en même temps emporté et violent, elle tente de l’amadouer pour le convaincre de l’aider à s’enfuir. Bernard, complètement fasciné par cette femme, accepte, à condition qu’elle lui promette de l’épouser.

Pendant qu’ils prennent la fuite, les secours assiègent le château et les Coupe-jarret périssent. 

Bernard est accueilli par Edmée et son père. Il vont le choyer comme un fils, et tenter de l’éduquer.

Bernard rappelle à Edmée sa promesse, mais cette dernière pose son éducation comme condition au mariage.

Influence gothique

On caractérise souvent ce roman de gothique.

Néanmoins, hormis les scènes qui se déroulent dans le château de la Roche-Mauprat qui effectivement est à la fois effrayant et inquiétant, le roman n’est pas en tant que tel « gothique ».

Le reste du roman qui se concentre presqu’exclusivement sur l’éducation de Bernard et l’évolution de sa relation avec Edmée relève plus du romantisme que du gothique. Notamment par la présence importante de la nature dans cette partie du roman et par son aspect plus « contemplatif ».

L’aventure y est également moins développée. On pourrait penser que cette alternation de style engendrerait un déséquilibre, mais George Sand parvient malgré tout à maintenir le lecteur en haleine.

Si le roman est-ce qu’on appelle un roman protéiforme, il me semble toutefois que ce qui domine, c’est l’évolution de Bernard. À ce titre, il me paraît plus opportun de qualifier Mauprat de roman initiatique que de roman gothique.

Roman initiatique

Le thème central abordé par George Sand est indubitablement l’éducation.

Mauprat, c’est avant tout l’histoire d’une humanisation. Humanisation qui, pour George Sand passe nécessairement par l’éducation.

On le sait, George Sand était une fervente admiratrice de Jean-Jacques Rousseau et de son « Emile ». Le roman est empreint de cette influence.

La conception de George Sand telle qu’elle est développée dans Mauprat se distingue toutefois de la thèse de Jean-Jacques Rousseau en ce qu’elle estime qu’un homme n’est ni bon ni mauvais de nature et que seule l’éducation peut le sauver de mauvais instincts ou penchants.

Ce qui ressort également de Mauprat, c’est que George Sand n’envisage pas l’éducation je dirais « ex cathedra », à savoir une éducation froide, impersonnelle. Comme un fichier ou une rame mémoire qu’il suffirait de s’implanter. Non. Pour George Sand, l’éducation nécessite un développement intérieur. Une digestion. Mais aussi une contemplation et une analyse de notre propre fonctionnement. Analyse rendue possible par l’éducation. En d’autres termes, si l’éducation n’est pas suffisante, elle est toutefois nécessaire.

Et on le ressent très bien dans le roman. Bernard acquiert rapidement les rudiments de l’éducation classique. Lire, écrire, étudier les grands philosophes, mais cet apprentissage seul ne lui permet pas de devenir meilleur, plus humain.

Après cet apprentissage, il lui faut encore faire un travail d’introspection, d’intégration des valeurs que l’éducation lui a dévoilées. Il doit en quelque sorte les faire siennes. Et pour les faire siennes, il doit s’interroger sur lui-même. Remettre ses réactions et ses émotions en question.

Féminisme

Edmée, personnage central de Mauprat incarne toutes les idées féministes de George Sand.

Non seulement c’est une jeune femme audacieuse, intelligente, persévérante, mais en plus elle n’hésite pas, malgré son rang et son époque, à défendre des idées d’égalité et d’humanisme.

Elle exige de Bernard qu’il aille toujours plus loin dans son éducation. Intransigeante, elle le pousse dans ses derniers retranchements pour faire de lui un homme toujours meilleur.

Pour conclure

Mauprat aborde des sujets relativement sérieux au travers d’une histoire captivante, pleine d’aventures avec des personnages crédibles et bien construits dont certains, quoique secondaires sont particulièrement singuliers et attachants.

En mêlant plaisir et réflexion, George Sand nous prouve que ce qui est distrayant et agréable peut être intelligent.

Sa vision est par ailleurs profondément humaniste et positive et en ces temps de crise, inutile de dire que ça fait du bien. Jugez-en par vous-même :

« C’est une grande question à résoudre que celle-ci : « Y a-t-il en nous des penchants invincibles, et l’éducation peut-elle les modifier seulement ou les détruire? » Moi, je n’oserais prononcer; je ne suis ni métaphysicien, ni psychologue, ni philosophe; mais j’ai eu une terrible vie messieurs; et, si j’étais législateur, je ferais arracher la langue ou couper le bras à celui qui oserait prêcher ou écrire que l’organisation des individus est fatale, et qu’on ne refait pas plus le caractère d’un homme que l’appétit d’un tigre.

Un classique que je recommande donc au plus grand nombre.

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La Peau de chagrin – Honoré de Balzac

La Peau de chagrin, publié en 1831, fait partie de la grande œuvre de Blazac : la Comédie humaine.

La Peau de chagrin - Honoré de Balzac

Contrairement au reste de son œuvre, La Peau de chagrin avec Melmoth réconcilié est un roman fantastique.

Le roman n’est pas très long : 375 pages aux éditions Folio classique.

L’histoire

Raphael projette de se suicider. Il erre dans Paris en attendant la tombée du jour pour se jeter dans la Seine et se retrouve dans la boutique d’un antiquaire.

Dans la boutique, Raphael est attiré par une Peau de chagrin. L’antiquaire, personnage aussi intriguant que sa boutique, le met en garde contre cette Peau maléfique qui le pouvoir d’exaucer tous vos vœux mais qui resserrera « le cercle de vos jours, figuré par cette Peau».

Le vieillard prévient Raphael :

« Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit. (…) Qu’est ce que la folie, sinon l’excès d’un vouloir ou d’un pouvoir ? ».

Or, la Peau de chagrin c’est le pouvoir et le vouloir réunis.

Raphael n’y croit pas. Il brave le vieil antiquaire, s’empare de la Peau en lui jetant, en guise de provocation, une série de souhaits exorbitants.

La soirée de Raphael suit son cours, et, progressivement, ses souhaits semblent se réaliser. Au début, il n’y voit que coïncidence. Mais quand un notaire lui annonce qu’il vient d’hériter d’une fortune colossale, il se met à douter.

Conscient que chacun de ses désirs le mènera dorénavant à sa mort, il tente une réclusion volontaire. Limitant le plus possible ses envies et ses souhaits. Ne vivant pour ainsi dire plus.

Pourtant il est tiraillé : faut-il vivre, laisser libre cours à ses désirs, ses passions et sentiments et courir à sa mort ou faut-il renoncer à la vie, se limiter à un état végétatif pour tenter de prolonger sa vie ?

Il est intéressant de constater la transformation de Raphael qui, au début du récit, souhaite se suicider et, en fin de récit tente tout ce qui est possible pour se maintenir en vive, quitte à remplacer la vie par l’existence. Quitte à vivre en étant déjà mort.

Influence

Balzac s’est largement inspiré de l’œuvre de Charles-Robert Maturin, « Melmoth », pour écrire la Peau de chagrin.

Melmoth est un roman gothique qui semble avoir fasciné Balzac qui l’estimait d’ailleurs « égal et par endroits supérieur au Faust de Goethe ».

L’influence se ressent toutefois plus dans le sujet choisi par Balzac que dans la forme.

Hormis les scènes qui se déroulent dans la boutique d’antiquité, on ne retrouve dans La Peau de chagrin aucune atmosphère angoissante ou inquiétante typique du roman gothique. Ce qui relève du mystère, c’est le sujet du récit. Cette Peau maléfique.

Par ailleurs, malgré le caractère fantastique du sujet, l’écriture, le style demeurent balzaciens, c’est-à-dire empreints d’un profond réalisme, ce qui ne participe pas non plus à la création d’une ambiance inquiétante. À tout le moins pas dans le sens où on l’entend s’agissant d’un roman gothique.

Certains trouvent que le roman est trop contemplatif et descriptif. Personnellement je ne l’ai pas ressenti. Ou en tout cas, ça ne m’a pas marqué.

Un roman philosophique

Ce roman peut être qualifié de philosophique en ce qu’il interroge l’homme, ses faux-semblants, son manque d’authenticité envers autrui autant qu’envers lui-même, la perversité de ses désirs, la responsabilité et le moteur de ses actes.

Le roman est riche et complexe, et je suppose que chacun y verra mis en lumière des éléments, des observations et des analyses qu’il a déjà en lui. Le roman fera miroir à ses propres interrogations qui ne peuvent être les mêmes pour chaque lecteur.

En ce qui me concerne j’y ai vu une analyse et une remise en question de nos désirs. Faut-il cesser de désirer pour vivre et si tel est le cas, ne cessons-nous pas précisément de vivre?

Considérations personnelles

Tous les désirs se valent-ils?

Je regrette que Balzac n’ait pas approfondi son analyse ou sa description des désirs.

J’aurai en effet souhaité que Balzac nuance son propos sur ce point.

Si l’on comprend que les désirs de pouvoir, de richesse, de reconnaissance puissent être nocifs et doivent à cet égard être interrogés, qu’en est-il de désirs qui seraient plus authentiques ?

C’est d’autant plus déroutant que Balzac semble nous mettre sur la voie avec deux protagonistes féminines qui s’opposent d’une manière presque caricaturale. La femme superficielle, vaine, futile, et opportuniste d’un côté et la femme pure et dévouée de l’autre.

Raphael aura des sentiments d’abord pour la première ensuite pour la seconde. Mais ces deux désirs, l’un superficiel et l’autre fondé sur l’amour sont-ils à mettre sur un pied d’égalité ?

Balzac reste muet sur cette question.

Pourtant, comme il le montre lui-même, renier tout désir c’est vivre à l’état végétatif.

N’est-il donc pas illusoire de penser qu’un homme qui n’aurait pas la sagesse d’un Bouddha ou d’un Gandhi puisse vivre sans désir.

Et s’il ne peut pas se résigner à vivre sans désir, tout est-il perdu pour lui ?

En ce qui me concerne, je considère que ce qui pervertit, ce sont les actions inauthentiques que l’on fait pour plaire, être reconnu, acquérir plus de pouvoir.

Dès lors il ne faut pas tels des moines cesser d’agir et de désirer mais tenter le plus possible d’être authentiques. Ecouter notre voix intérieure et lui obéir quelles qu’en soient les conséquences et quoi qu’en pense la société.

Erreur et rédemption

Je regrette également le côté fataliste de la Peau de chagrin.

Il est vrai que Raphael a commis des erreurs. Mais c’est notre lot à tous.

En outre, avancer vers soi, comprendre la vie, son sens, apprendre à décoder le mode, construire sa personnalité, découvrir ses valeurs, son authenticité est un chemin qui ne se conçoit que par l’erreur.

Ce sont les erreurs qui nous permettent d’avancer. De nous comprendre et de comprendre le monde. Il n’y a pas d’authenticité ni de vie authentique sans erreur.

Or, Raphael est condamné et Balzac ne lui offre aucune issue. Comme si aucune rédemption n’était possible.

En cela, Balzac contribue à cette dérive malheureuse qui nous donnent l’illusion que les choses devraient toujours être parfaites, alors que l’erreur fait partie de la perfection.

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La Dame du manoir de Wildfell Hall – Anne Brontë

La Dame du manoir de Wildfell Hall est publié pour la première fois en 1848. Ecrit par Anne Brontë, peut-être la moins connue des trois célèbres sœurs Brontë.

La Dame du manoir de Wildfell Hall - Anne Brontë
La Dame du manoir de Wildfell Hall – Anne Brontë

On considère généralement ce roman comme une des premières œuvres féministes.

Il faut bien entendu replacer l’œuvre dans son contexte pour comprendre l’aspect féministe de la Dame du manoir de Wildfell Hall.

Si vous n’opérez pas un déplacement de point de vue, si vous jugez la Dame du manoir de Wildfell Hall à l’aune de ce que vous connaissez aujourd’hui du féminisme, vous n’y verrez bien entendu rien de révolutionnaire et vous serez sans doute déçu.

Un petit mot sur l’histoire

Helen, veuve, s’installe seule avec son fils au manoir de Wildfell Hall où elle vit comme une recluse. L’installation de cette jeune inconnue intrigue le voisinage et alimente les rumeurs.

Cette jeune veuve éveille tout particulièrement l’intérêt d’un de ses voisins, Gilbert Markham. Intrigué, attiré, il va tenter de comprendre cette femme mystérieuse.

Rapidement, le lecteur pressent avec Gilbert que cette femme cache ou fuit quelque chose.

Le roman est volumineux : 564 pages aux éditions Archipoche. Mais vous verrez, les pages se tournent sans effort. On ne s’ennuie pas une seule minute.

La construction du récit et les personnages

Les personnages sont bien construits, crédibles et attachants.

La construction du récit alterne des lettres rédigées par Gilbert et le journal intime d’Helen.

Au fil de sa lecture, le lecteur récolte les différentes pièces d’un puzzle qu’il lui faut assembler lui-même.  Des éléments qui nous proviennent de protagonistes différents et qui sont donc empreints de partialité. Limités à la subjectivité du protagoniste.

Le lecteur doit dès lors non seulement assembler les éléments épars, mais également les confronter pour tenter de reconstruire lui-même l’histoire. Se faire son propre point de vue.

En d’autres termes, l’agencement de la Dame du manoir de Wildfell Hall oblige le lecteur à construire non seulement l’histoire mais également sa propre opinion, ce qui sollicite son propre imaginaire.

L’influence du roman gothique

La Dame du manoir de Wildfell Hall est un roman sombre et intense, généralement qualifiée d’œuvre romantique.

Néanmoins, comme c’est d’ailleurs le cas dans beaucoup de romans des sœurs Brontë, mais dans celui-ci tout particulièrement, l’influence du roman gothique est évidente.

Un peu à l’image des Hauts de Hurlevents d’Emily Brontë avec lequel la Dame du manoir de Wildfell Hall entretient d’ailleurs de nombreux liens. Manoirs sinistres, paysages désolés, atmosphère sombre et mystérieuse, âmes tourmentées.

Ceci dit, le romantisme entretien selon moi, par nature, des liens étroits avec le roman gothique.

En effet, comme le roman gothique, mais dans une mesure différente, le romantisme exalte le mystère et le fantastique. Il s’oppose à la raison pure et froide. Ils ont également tous deux un intérêt marqué pour le passé.

La différence, selon moi, entre le roman gothique et le romantisme se situe dans la manière dont ils exaltent le mystère.

Le roman gothique se tourne vers l’ombre et les ténèbres, tandis que la plupart des romantiques recherchent l’évasion, et le ravissement dans le rêve. Le romantisme a également quelque chose de plus mélancolique que le roman gothique.

Le romantisme n’exclut toutefois pas le morbide et le sublime. Cette élégance, cette subtilité dont je vous parle dans mon article sur le roman gothique.

La traduction française

Certains se plaignent de la mauvaise qualité de la traduction française chez Archipoche. Les plus sévères vont jusqu’à trouver que la piètre qualité de cette traduction hôte tout intérêt littéraire au roman. Qu’elle rendrait le style plat et trop répétitif.

Personnellement, je n’y ai pas été sensible. J’étais, je suppose, trop absorbée par l’histoire pour m’en émouvoir. Et j’ai pris autant de plaisir à lire la Dame du manoir de Wildfell Hall que Les Hauts de Hurlevents.

Au contraire, j’ai trouvé que la Dame du manoir de Wildfell Hall était, dans son style, résolument moderne et qu’il n’était pas du tout difficile à lire pour un lecteur contemporain.

La lecture m’a paru légère, sans être stupide.

Je ne doute bien entendu pas que la version originale soit encore plus savoureuse et si vous en avez les moyens il est évidemment toujours préférable de lire un livre dans sa langue originale.

Mais malheureusement si l’on ne maîtrise pas suffisamment la langue on peut également passer à côté de toute une série de choses intéressantes.

Pour conclure

La Dame du manoir de Wildfell Hall fait partie des romans qui m’ont littéralement marquée. Je ne sais pas si c’est un chef-d’œuvre, ni si tout le monde devrait le lire. Et bien sûr je ne peux pas vous garantir qu’il vous plaira.

C’est bien entendu une question de sensibilité, mais il ne fait aucun doute que la Dame du manoir de Wildfell Hall a largement touché la mienne.

Je terminerai par une citation qui montre toute la nuance qu’Anne Brontë parvient à mettre dans son récit :

« Que nous importe ce qu’ils pensent si nous sommes contents de nous-même  (…) même si l’opinion des autres a peu d’importance, même si vous estimez qu’ils n’ont aucune valeur humaine, il n’est pas agréable d’être considérée comme une menteuse et une hypocrite, d’être accusée d’actions abominables, de voir toutes vos bonnes intentions mal interprétées ; d’avoir les mains liées parce que l’on vous juge indigne, de voir que tout le monde se refuse à croire que vous respectez certains principes »

La Dame du manoir de Wildfell Hall – Anne Brontë