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La littérature complexe : foutaises et compagnie

La littérature complexe. J’ai entendu ce terme récemment dans une émission radio qu’au demeurant j’apprécie. L’émission parlait du « recul de la littérature complexe ».

Je me demande si je dois rire ou pleurer. Je suppose que, comme pleurer ne sert à rien, il vaut mieux rire. Ça n’empêche pas de pousser un petit coup de gueule.

Je ne suis pas la première à le faire. Un auteur bien plus prestigieux et célèbre que ma pauvre personne, Bernard Werber a piqué le sien dans un article paru dans le Figaro : plaidoyer pour une autre littérature. Et si, apparemment, ça ne semble pas faire bouger les choses, ça fait plaisir à lire.

La littérature complexe, mais qu’est-ce que c’est?

Mais que peut bien être cette littérature dite complexe ?

Ne serait-ce pas une manière hypocrite de désigner ce que d’aucuns considèrent comme la littérature intelligente par opposition à celle qui ne le serait pas.

La littérature complexe

Quelle prétention. Et quelle suffisance de sous-entendre que le « recul » de cette littérature soi-disant plus intelligente serait le fait de la paresse ou d’un déficit d’intelligence de la part des lecteurs.

Comment ne pas se demander si l’on se pose les bonnes questions ?

Un double discours insupportable

D’un côté, on stigmatise les gros succès. Les qualifiant d’œuvres faciles ou, je suppose, de « non complexes » ou de « non suffisamment complexes ». De l’autre, on s’insurge du désintérêt du public pour cette soi-disant littérature complexe. Comme si le succès était gage de médiocrité. Mais si c’était le cas, que seraient devenus Victor Hugo, Zola ? Et puis, si le succès est si méprisable, les défenseurs de la littérature complexe devraient se féliciter de ce « recul ». Ils devraient y voir un gage d’intelligence. C’est mathématique.

Tout ce qui a du succès n’est pas intelligent

La littérature complexe n’a pas de succès

Donc la littérature complexe est intelligente

Alors, pourquoi s’insurger du recul de la littérature complexe et surtout pourquoi culpabiliser le lecteur ?

Je sais, le raisonnement est un peu facile. Voir sophistique. Néanmoins, l’absurdité de la situation doit être dénoncée. Parce qu’il est facile de prétendre faire des œuvres « intelligentes » d’un côté et s’insurger du désintérêt d’un public qu’on mésestime de l’autre. Comme il est facile de sous-entendre que le désintérêt du public est une conséquence de sa faiblesse intellectuelle, de sa tendance à se laisser aller à la paresse. Comme il est facile d’utiliser les travers bien connus de notre époque engendrés par les écrans, les réseaux sociaux, la facilité des images, pour critiquer ce qu’on a peut-être soi-même engendré et éviter de se remettre question.

Et si on se posait les bonnes questions?

Plus personne ne conteste que dans un divorce, les deux parties ont généralement leurs torts. Plutôt que de s’insurger passivement contre les torts du lecteur, ne serait-il pas temps, pour les auteurs, les éditeurs et autres professionnels du livre, de se remettre eux-mêmes en question ?

N’ont-ils pas leur part de responsabilité dans la situation actuelle ?

Borges, un auteur sur lequel nombre d’auteurs contemporains s’appuient aujourd’hui pour justifier ce qui, parfois, relève du nombrilisme, s’abstienne de rappeler ce conseil qu’il donnait à ses étudiants  et sur lequel j’ai déjà insisté dans un autre article :‘si un livre vous ennuie, abandonnez-le ; ne lisez pas un livre parce qu’il est fameux, ou moderne, ou ancien. Si un livre vous ennuie, ne le lisez pas ; c’est qu’il n’a pas été écrit pour vous. La lecture doit être une des formes du bonheur ». Parce que selon lui, lire, c’est chercher un plaisir et un bonheur personnel.

Quelle peut bien être l’utilité de cette dichotomie entre littérature « complexe » et « non complexe ». N’est-ce pas ce genre de discours qui creuse le fossé entre la littérature et les lecteurs ?

Se faire plaisir et faire plaisir au lecteur

Il n’y a pas une manière de faire un livre. Il y a autant de manières de faire un livre que d’individualités. Il est primordial d’arrêter de sous-entendre le contraire. Ou de sous-entendre qu’il y aurait de meilleures manières de faire que d’autres. Si ce n’est que la seule voie possible soit celle de l’authenticité. Encore un héritage de ces génies que l’on cite à outrance et que l’on semble pourtant avoir oublié : un chef d’œuvre c’est un petit peu de talent mais c’est surtout beaucoup, beaucoup de travail. Et j’ai parfois l’impression qu’on néglige le travail au profit de considérations qui seraient plus orientées sur cette prétendue meilleure manière de faire, imposée par certaines affinités. La recette est amère. Elle ne fonctionne pas. Les seuls ingrédients qui comptent sont le travail, et l’authenticité. Le reste n’est que fanfaronnades. Etre authentique et fournir la quantité de travail nécessaire. La seule manière de se respecter soi-même et de respecter le lecteur.

Il y a de la place pour tout le monde. Pour toutes les affinités. Ni les affinités de l’auteur, ni celles du lecteur ne méritent d’être méprisées.

Remettre le lecteur au centre de nos préoccupations

Et si nous nous mettions à la place du lecteur. Comment ne pas comprendre qu’il puisse se sentir perdu face à la masse de livres qui sortent chaque année. Il y a plus de livres que de lecteurs.

De quels outils dispose-t-il pour se frayer un chemin dans cette énormité et s’assurer de trouver un bon livre. Un bon livre pour lui s’entend. Non pas celui qui aura gagné un prix ou qui aura été « validé » par les intelligents. Celui qui lui procurera le plaisir qu’est censée procurer la lecture.

Choisir un livre est devenu une loterie pour le lecteur. Un jeu dont il sort bien souvent perdant et qui le conforte dans l’idée que, la lecture, ce n’est décidément pas pour lui.

Mais la lecture est pour tout le monde. Il y en a pour tout le monde.

Littérature francophone versus littérature anglo-saxonne

Je suis toujours étonnée de constater la différence entre la littérature française et la littérature anglo-saxonne. La littérature française est si prétentieuse, sérieuse et grave qu’elle en devient parfois dégoûtante. Pire. Elle est devenue égoïste. Autocentrée sur ses propres tourments. Elle ne s’intéresse plus au lecteur. S’il ne la comprend pas c’est qu’il n’est pas assez malin, et tant pis pour lui. Parce que, elle, elle fait des choses intelligentes, et elle ne va tout de même pas s’abaisser à penser au plaisir du lecteur.

Mais quelle erreur. Aurait-on oublié que sans lecteur il n’y a pas de livre ?

La littérature anglo-saxonne n’a pas cette prétention. Il suffit de regarder la différence de culture entre l’édition des livres anglo-saxons et celle des livres francophones. D’un côté, vous avez l’impression d’être à Disneyland. Plein de couleurs, de différences, d’exubérances même. Du chaos peut-être un peu, mais quel plaisir. De l’autre, des couvertures ternes, respectant les mêmes codes sobres et tristes.

Comme si le baroque enlevait un peu de qualité au livre. Comme si se préoccuper du lecteur, lui procurer de la joie, était vulgaire. Quelle gravité ! Et si on arrêtait de se prendre au sérieux ?

Arrêter de se prendre au sérieux

D’où vient dans la culture francophone cet orgueil teinté de honte ? Comme si rire était honteux. Que pleurer serait plus noble. Comme si, les choses intelligentes devaient se mériter et donc forcément être pénibles voir chiantes. Et voilà comment notre littérature est devenue ennuyeuse pour une grande partie du public. Bien sûr, il ne faut pas généraliser. Mais il s’agit d’une tendance que les nouveaux auteurs, perdus au milieu de la masse, se croient parfois obligés de suivre. Oubliant leur cœur, cachant leur honte de préférer un auteur mineur à un majeur. Ayant peur de raconter une histoire. De plonger dans l’imaginaire. Nous sommes ce que nous sommes, arrêtons de tenter d’être autre chose. Assumons nos contradictions. Assumons notre capacité à aimer à la fois Proust et à la télé-réalité. Sublimons le médiocre parce que nous sommes tous aussi stupides que géniaux.

Si la réflexion est essentielle, le divertissement l’est tout autant. Et non, ces deux activités ne s’excluent pas. Au contraire. C’est quand elle se confondent qu’elles obtiennent les meilleurs résultats. C’est un principe général de solidarité, de nuance, de complémentarité, d’ouverture. Il ne suffit pas de se battre avec des mots contre le racisme et les inégalités pour avoir la conscience tranquille. Et agir avec les lecteurs comme ceux contre qui on se bat agissent avec les migrants : en les rejetant. En les dénigrants. En les désignant comme responsables de nos propres maux.

Parce que c’est une catastrophe. Avec une telle attitude, le divorce entre littérature et lecteur risque bien de devenir définitif.

Revaloriser la fiction et l’imaginaire

Peut-être le temps est-il aussi venu de revaloriser les histoires. Le message littéraire passe aussi par les histoires qui accueillent généralement le lecteur plus qu’elles ne l’excluent.  

Les histoires c’est pour les gosses ? Nous sommes tous des gosses. Et si les histoires réveillent le merveilleux de notre enfance, elles ne nous empêchent pas pour autant de grandir ni de réfléchir.

Revaloriser les histoires, et l’imagination qu’elles convoquent. La littérature est peut-être le dernier bastion contre les plaisirs faciles procurés par les écrans. Le dernier bastion contre ce monde « clé sur porte » dans lequel l’imaginaire se vautre dans une passivité gavée d’images. C’est l’imagination qui permet la pensée. Son originalité. Son mouvement. Sans imagination, l’homme n’est plus un homme. C’est d’ailleurs peut-être ce qui explique le succès que rencontrent aujourd’hui les livres Fantasy.

Je n’ai rien contre le fait de casser les codes, mais casser les codes, c’est aussi en créer de nouveaux. Et s’y enfermer me semble de peu d’intérêt.

Mea maxima culpa

Je sais que quand je relirai cet article publié, je me dirai que j’ai manqué de nuance sur tel ou tel point. Je sais aussi que des gens reviendront vers moi avec des arguments qui me forceront à pousser ma réflexion plus loin, que ces quelques mots sont trop simples. Que ma pensée demain aura évolué, dans un sens ou dans un autre. Qu’elle va se colorer. C’est comme ça qu’évolue la pensée. Assumons-le, les choses, jamais ne peuvent être figées. Toujours mouvantes. El le beau, le bien, l’intelligent sont des concepts qui se baladent, avancent, reculent. Personne ne peut dire à qui ou à quoi ils s’appliqueront demain. Par conséquent, une critique, un concours ne sont jamais que des avis. Fragiles. Mortels. Ne leur donnons pas tant d’importance. Si nous nous arrêtons à ce que les autres décident pour nous, nous ne pensons pas. Nous n’évoluons pas. Nous ne vivons pas.

Surtout, accordons-nous le droit d’apprécier ce qui est mal considéré. 

Quelques bons mots de Bernard pour finir

« Ce qui est nouveau fait peur à ceux qui se sont autoproclamés les «uniques représentants du système littéraire». Ce qui ouvre les horizons donne une impression de liberté difficile à supporter pour ceux qui vivent dans les entraves. Mais pourtant on ne pourra pas tout le temps vivre dans le nouveau roman et la littérature psychologique introspective sentimentale parisienne. Combien de temps les écrivains à la mode arriveront-ils à amuser la galerie avec leurs histoires de coucheries et leurs états d’âme existentiels ?
La littérature d’imaginaire a, à mon avis, une place méritée dans la littérature générale. Ne serait-ce que par respect envers les… lecteurs. »

Plaidoyer pour une autre littérature – Bernard Werber, Article paru dans le Figaro
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Le lecteur : son rôle créatif, sa responsabilité

On parle trop rarement du rôle créatif du lecteur. Pourtant, il n’y a pas de livre sans lecteur.

Le lecteur rôle créatif - co création auteur lecteur
Un livre est une création commune de l’auteur et du lecteur

Au risque de choquer, je dirais que pour qu’un livre existe, le travail créatif du lecteur est aussi important que celui de l’écrivain. Quand l’auteur a terminé son livre, le lecteur doit encore le faire vivre à travers sa propre imagination. Auteur et lecteur font donc chacun la moitié du chemin qui mène à la création d’un livre.

Michel Tournier parle du rôle du lecteur dans le Vol du Vampire d’une manière très émouvante :

« Un livre écrit, mais non lu, n’existe pas pleinement. Il ne possède qu’une demi-existence. C’est une virtualité, un être exsangue, vide, malheureux qui s’épuise dans un appel à l’aide pour exister. L’écrivain le sait, et lorsqu’il publie un livre, il lâche dans la foule anonyme des hommes et des femmes une nuée d’oiseaux de papier, […] qui se répandent au hasard en quête de lecteurs. A peine un livre s’est-il abattu sur un lecteur qu’il se gonfle de sa chaleur et de ses rêves. Il fleurit, s’épanouit, devient enfin ce qu’il est : un monde imaginaire foisonnant, où se mêlent indistinctement […] les intentions de l’écrivain et les fantasmes du lecteur. »

Michel Tournier – Le Vol du Vampire

Chaque fois qu’un lecteur lit un livre, une nouvelle oeuvre est créée

Cette phrase semble avoir été tirée de quelque conte fantastique. Pourtant c’est un fait, l’œuvre telle qu’elle est reçue par le lecteur est unique. Ne peut ni être comparée à ce que l’écrivain a écrit, ni à la réception de la même œuvre par quelqu’un d’autre, voire même à sa réception par le même lecteur quelques années plus tard.

Par conséquent, chaque lecture crée une œuvre nouvelle. N’est-ce pas merveilleux ?

C’est en partie pour cette raison qu’une œuvre plaira à l’un et pas l’autre, ou qu’elle plaira ou ne plaira pas en fonction de l’état dans lequel se trouve le lecteur. La qualité du récit n’est pas seule en cause. Contrairement à ce qu’on a tendance à croire.

Si la moitié de l’existence d’un livre est le fait de la créativité du lecteur, il est peut-être temps de revaloriser son rôle.

La magie de la lecture : le rôle créatif du lecteur

C’est dans cette alchimie entre la part créative de l’auteur d’un côté et du lecteur de l’autre que se situe toute la magie de la lecture.

Si le lecteur ne saisit pas l’occasion de faire fonctionner son propre imaginaire, de créer à partir des propositions de l’écrivain, il n’y a pas de véritable expérience de lecture. Parce que le lecteur ne joue pas son rôle.

Peu importe le savoir que le lecteur retire ou non d’un livre, l’intelligence de son auteur, l’élégance de son style. Ces choses sont accessoires. Ce qui importe, c’est l’exploitation du lecteur de son propre pouvoir créatif. S’il ne joue pas son rôle, le livre ne pourra rien lui apporter.

Du cercle vicieux de la critique

La critique de la littérature dite facile. Ces jugements négatifs ou positifs influencent le lecteur et lui dérobent une part de sa propre responsabilité. Ils rétrécissent son esprit alors que pour faire une véritable expérience de lecture, le lecteur doit tenir son esprit le plus ouvert et réceptif possible. Sans a priori, sans conditionnement.

La critique reproche souvent le succès de certains livres en les dénigrant tout en faisant l’apologie d’un certain type de littérature qui, à l’image de l’art contemporain ne semble accessible qu’aux initiés.

Il y a quelque chose de tyrannique dans ce genre de jugements de valeur. Lorsque la critique est favorable, le lecteur peut se sentir obligé d’apprécier le livre et se sentir débile si ce n’est pas le cas. Or, peut-être le lecteur, lorsqu’il se sent moins impressionné par un livre, est-il plus disposé à développer son imaginaire. À se faire confiance. Peut-être s’autorise-il plus de liberté.

Dans ce cas, le succès des livres qualifiés de populaires ne serait pas dû, comme on le sous-entend souvent, au manque d’intelligence des lecteurs, mais à ces jugements de valeurs qui se donnent une apparence d’objectivité alors qu’ils ne sont que l’expression subjective d’un courant de pensée.  

Encore une fois il est temps de nous débarrasser de cette habitude de classer les livres en fonction de leur degré supposé d’« intelligence ». Il est temps d’arrêter de déconsidérer le plaisir et le divertissement.

Surtout, il est temps pour le lecteur de reprendre ses responsabilités. De ne plus s’en remettre à de prétendus connaisseurs. Comme je l’ai déjà dit dans un autre article, personne ne connait le lecteur mieux que lui-même. On peut le conseiller, mais lorsqu’il commence à lire, c’est à lui seul qu’il appartient de jouer son rôle créatif.

De la création

L’âme doit être nourrie au même titre que le corps.

Les besoins de l’homme ne se limitent pas à manger et à dormir. Pour s’épanouir, il a besoin de créer.

La création est la nourriture de l’âme.

Je ne suis pas occupée de vous dire que vous devez tous quitter votre emploi et devenir artistes. Même si, en réalité, artistes, nous le sommes tous déjà, que nous le voulions ou non.

Nous créons en permanence. Lorsque nous travaillons, lorsque nous parlons, lorsque nous pensons.

Tous ce que nous vivons, d’une certaine manière, nous le créons, puisque nous l’interprétons et qu’interpréter c’est déjà un acte de l’imagination. Créer, c’est notre manière naturelle, essentielle et inévitable d’appréhender le monde, d’être au monde.

L’imagination n’est pas l’apanage des génies, ni des personnes qui ont fait de l’art leur métier. L’imagination est une propriété de chaque être humain qu’il lui appartient de cultiver.

Il est donc important, si nous voulons nourrir notre âme, de nous donner le plus possible l’occasion de créer. Et des occasions de créer, il y en a des centaines. Pour ma part, inutile de vous dire que mon occasion à moi, c’est la lecture.

De la paresse

Si certaines nourritures sont néfastes pour le corps, il en va de même pour l’âme.

L’homme a une tendance naturelle à la paresse.

Le corps se laisse facilement séduire par le sucre malgré son manque d’intérêt nutritif, parce qu’il est facile à traiter. Ne demande pas trop d’efforts. Et le corps aime quand il ne doit pas faire trop d’efforts.

Je suppose qu’il en va de même pour l’âme qui doit, elle aussi, se laisser naturellement tenter par des choses préfabriquées, digérées, qui ne lui demandent le moins de labeur possible. Et je suppose encore que c’est pour cette raison qu’elle se laisse facilement séduire par des images, des écrans, qui font tout le travail de création laissant l’imagination se prélasser dans le canapé, plutôt que de s’activer.

Malheureusement, à l’instar du sucre, cette nourriture consommée à l’excès est néfaste.

Manger sainement ne devrait donc pas s’appliquer qu’à l’alimentation corporelle.

Jouer son rôle

Si certaines activités ont un potentiel créatif plus élevé que d’autres, il nous appartient dans la réalisation de ces activités de nous activer. De jouer ce rôle créatif que l’activité propose.

Prenons un exemple qui n’a rien à voir avec la lecture et qui sera peut-être plus parlant. Restons dans l’alimentaire. Une chose est de préparer machinalement des pâtes bolo en téléphonant à sa mère et en surveillant les gosses du coin de l’œil. Une autre est de préparer un gâteau ou n’importe quelle recette en tentant de l’adapter, en faisant des expériences de cuissons ou d’ingrédients.

Vous serez d’accord avec moi pour dire que quoiqu’on les désigne de la même manière, ces deux expériences sont fondamentalement différentes, et que la seconde est bien plus enrichissante. Même si le gâteau finit trop cuit.

C’est pareil avec la lecture. Il ne s’agit pas de se placer devant son livre comme on se place devant un écran. De manière passive.

C’est une question d’engagement. L’engagement de jouer effectivement son rôle.

N’espérez pas retrouver le plaisir de lire si vous laisser la porte de votre imagination fermée en attendant que l’auteur fasse tout le travail. La lecture n’est ni une activité passive, ni une activité paresseuse. Il appartient au lecteur de recréer, voire de compléter, avec sa propre imagination, l’univers suggéré par l’auteur.

Ouvrir la porte de son imaginaire et laisser la possibilité à la magie de s’opérer. Et, si la magie ne s’opère pas, ouvrir un autre livre, mais laisser béante la porte de son imagination. C’est la seule manière de faire une véritable expérience de lecture.

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Choisir un livre : Trucs & Astuces

Choisir un livre

Choisir un livre, ce n’est pas toujours facile. D’abord il y en a beaucoup et puis on se met parfois un peu la pression pour faire de la lecture une activité « rentable ».

Choisir un livre

Lire c’est rêver. Rêver c’est un droit universel. Je regrette d’ailleurs que ce ne soit pas inscrit dans la déclaration des droits de l’homme.

La lecture, c’est pour tout le monde. Et ce qu’il y a de formidable avec les livres, c’est qu’il y en a pour tout le monde.

Prendre de conscience de ce qui vous plait

L’important c’est de choisir un livre qui vous convienne.

Vous avez déjà lu des livres. Essayez de vous souvenirs de ceux qui vous ont plu et pourquoi. Essayez de prendre conscience de ce qui vous plaît.

Était-ce l’atmosphère ? L’intrigue ? Le style ?

Pensez aussi aux livres qui vous ont particulièrement déplu. Qu’est-ce que vous n’avez pas aimé ? Trop lent ? Trop descriptif ou contemplatif ou au contraire pas assez vraisemblable ?

Êtes-vous sensible à certains univers ? L’espionnage ? L’introspection ? Les lumières ? Le moyen-Âge ? Les vieux orphelinats glauques ? La résistance ? La nature ?

Aimez-vous quand ça part dans tous les sens ou au contraire préférez vous des histoires plus calmes et peut-être plus profondes ?

Essayer de répondre à toutes ces questions avant de choisir un livre.

Tenez compte de votre état d’esprit

N’oubliez- pas que, si vous adorez les romans qui se déroulent au Moyen-Âge par exemple, vous devez aussi tenir compte de votre état d’esprit. Il est possible qu’en ce moment, même si vous raffolez de ce genre, vous n’ayez pas du tout envie de vous plonger dans un roman historique.

Il faut en tenir compte au moment de choisir un livre. D’autant que cela vous permettra peut-être de vous laisser surprendre.

Renseignez-vous mais débarrassez-vous de tout préjugé

C’est à vous que la lecture doit procurer du plaisir. Peu importe qu’il en ait procuré aux journalistes, aux critiques, à bobonne ou à votre meilleure amie. Ces éléments ne sont pas suffisants pour vous garantir qu’un livre est fait pour vous.

Avant de choisir un livre, renseignez-vous sur le style, l’intrigue, les éventuelles longueurs afin de savoir si le livre est susceptible de vous plaire par rapport à vos propres critères.

Mais pour bien choisir un livre, il faut laisser tomber les jugements de valeur.

Vous trouverez toujours des gens qui ont aimé tel livre et d’autres qui l’ont détesté. Un livre n’est jamais « bon en soi ».

La question est de savoir s’il peut vous plaire à vous. C’est la seule et unique chose qui compte.

N’ayez pas trop peur des classiques. On les assimile souvent à des lectures ennuyeuses, mais beaucoup de contemporains sont mille fois plus ennuyeux que les classiques. Ne vous laissez pas impressionner.

Avant de choisir un livre, il faut accepter de les mettre tous sur un pied d’égalité. Tant pis si je choque. Mais en votre qualité de lecteur, à la recherche de votre prochaine expérience, vous avez le droit de mettre Eric-Emmanuel Schmidt au même niveau que Proust, à savoir celui d’une lecture potentielle pour vous.

Vous ne faites pas une thèse. Vous n’êtes pas critique littéraire. Vous cherchez juste à commencer une expérience qui vous corresponde. A vous. Et choisir Proust ne fera pas de vous une meilleure personne. Tout comme choisir Danielle Steel ne fera pas de vous une moins bonne personne.

La seule chose qui peut vous amoindrir, c’est de manquer d’authenticité dans le choix de votre livre. Parce que vous risquez de vous priver du plaisir de lire voire de vous dégoûter de la lecture.

Et la couverture on en parle?

Je ne vais pas vous mentir, je suis sensible à la couverture. J’ai l’impression que c’est un premier plongeon dans l’univers de l’auteur.

Néanmoins, je ne pense pas que ce soit un élément décisif pour choisir un livre. Il faut en effet se méfier. Beaucoup de maisons d’édition imposent les couvertures aux auteurs qui n’ont pas grand-chose à dire (c’est pareil avec le titre d’ailleurs).

La couverture n’est donc pas toujours un bon indicateur. N’hésitez donc pas à passer outre si le livre vous attire.

Un petit mot à ce sujet en ce qui concerne les livres auto-édités. Lorsque le livre est auto-édité, l’auteur conserve toute la maîtrise de son œuvre, et donc choisit librement la couverture de son roman. Dans ces cas-là, l’indication est déjà plus pertinente bien entendu.

Faites un test avec les premières pages

Avant de choisir un livre, lisez-en quelques pages. Ce sera beaucoup plus efficace que la couverture.  Au début, au milieu, à la fin. Comme vous voulez. Personnellement je prends toujours le début afin de vérifier si je rentre rapidement dans l’histoire. Mais j’ai une amie qui lit toujours les dernières pages. Personnellement je ne pourrais pas, mais comme je vous le disais chaque lecteur est différent.

Lire quelques pages vous permettra de vous faire assez rapidement une idée du style.   

Prenez du plaisir et fiez-vous à votre instinct

Amusez-vous. Ne vous mettez pas la pression. Considérez le choix de votre prochain livre comme une aventure en soi.

Surtout, faites-vous confiance. Au fond de vous, il y a une petite voix qui vous dit des choses. Ecoutez-la. N’ayez pas peur, vous ne prenez aucun risque, parce que vous avez tout à fait le droit de vous tromper.

Enfin, je risque de vous surprendre, mais la vie est une coquine. Il lui arrive plus souvent qu’on ne le croit de nous donner des signes. Un livre dont plusieurs personnes nous parlent. Un article qui arrive par hasard entre nos mains. Soyez réceptifs aux signes et laissez-vous surprendre.

Ne culpabilisez pas

Je le répète. La lecture est un plaisir. Pas un devoir ni une obligation.

C’est avec les mauvaises expériences de lecture qu’on se coupe du plaisir de lire. Il faut absolument les éviter. Ça ne vous plaît pas ? Balancez. Prendre du plaisir est primordial.

N’hésitez pas à abandonner un livre qui vous ennuie. Comme disait Borges, s’il vous ennuie c’est qu’il n’est pas fait pour vous. J’ajouterais que ce n’est peut-être juste pas le moment. Dans quelques années, le livre pourrait vous passionner, mais aujourd’hui il n’est pas pour vous, alors laissez-le. Vous pourrez toujours y revenir plus tard.

Vous n’avez pas de temps à perdre n’est-ce pas ?

Comme je l’ai déjà dit, et encore une fois au risque de choquer la bonne société, n’hésitez pas à sauter les descriptions ou les passages qui vous ennuient. Si le livre vous plaît, ce serait dommage de l’arrêter pour quelques passages ennuyeux. Et entre nous, il est inutile de forcer votre esprit à se concentrer sur quelque chose qui le lasse. Il aura vite fait de s’échapper et pendant que vous lirez mécaniquement ces passages, il pensera à ce qui vous reste encore à faire ou à ce que vous avez oublié. Bref, ça ne sert à rien de se forcer. Au contraire, ça ne fera que diminuer la qualité de votre expérience et la puissance du rêve.

Quelques considérations pratiques

Vous me direz que, si vous devez acheter dix livres avant de tomber sur le bon et qu’en plus vous n’êtes attirés que par des grands formats, ça va vite vous coûter cher cette histoire.

Mais qui vous demande d’acheter des livres neufs ? Les boutiques de seconde main sont plus concurrentielles qu’Amazon à cet égard.

Vous trouverez facilement des livres de poches à 2 ou 3 EUR. Et s’ils ne vous plaisent pas, vous pourrez aller les revendre dans cette même boutique. Probablement pour un prix inférieur à ce que vous l’avez acheté, mais tout de même, ça réduit considérablement la dépense. En Belgique, nous avons les magasins Pêle-Mêle qui font du « recyclage culturel », mais vous n’aurez pas de difficultés à trouver des livres d’occasion dans quantité d’autres endroits (petits riens, brocantes, boîtes à livres, etc.).

N’hésitez pas non plus à les emprunter. Vous devez bien avoir parmi vos amis ou dans votre famille quelques lecteurs compulsifs qui seront ravis de partager.

Si vous n’avez pas encore trouvé votre bonheur, il vous reste toujours les bibliothèques.

Pour les adeptes de la lecture numérique

Si la lecture numérique ne vous dérange pas (moi j’avoue que j’ai un peu du mal mais chacun son truc), sachez que les livres libres de droits, et donc beaucoup de classiques, sont disponibles gratuitement (ou presque) en version digitale.

N’hésitez pas non plus à vous intéresser aux livres auto publiés, généralement beaucoup moins chers. Il y en a de plus en plus, et s’ils ne sont pas tous bons (comme ceux que vous trouverez dans les librairies d’ailleurs), il est tout à fait possible que vous trouviez votre bonheur. Encore un petit mot d’une plateforme tout à fait particulière concernant les auteurs qui envisagent l’autoédition ou disons une forme d’édition plus moderne : la plateforme Read&Rate.  

Il s’agit d’une plateforme qui réunit des auteurs et des lecteurs. Le procédé est simple. Les auteurs chargent le début de leur roman et les lecteurs inscrits sur la plateforme peuvent les lire gratuitement. Si le début leur a plu, ils pourront lire la suite pour moins de 5 EUR.

Je félicite ce genre d’initiative, et je pense sincèrement qu’elle représente le futur de l’édition.

Pour finir

Choisir un livre, c’est important, mais quand ce sera fait, et si le livre vous plait, n’oubliez pas de vous forcer à lire tous les jours, pour ne pas décrocher.

Et si vous pensez manquer de temps, retournez lire mes trucs et astuces.

Besoin de conseils?

Des livres, c’est vrai qu’il y en a beaucoup, et ce n’est pas toujours évident de s’y retrouver, même avec ces petits conseils.

Vous avez l’impression d’être submergé? Vous aimeriez un peu d’aide pour dépatouiller tout ça? N’hésitez pas à me contacter. Je partagerai volontiers mon expérience et mes connaissances avec vous.

Rendre aux gens ce trésor qu’est la lecture est presque une mission de vie pour moi. Moquez-vous. Qu’importe. Moquez-vous. Mais contactez-moi si vous pensez que je peux vous aider. Il y a mille livres à découvrir et si je peux y contribuer, ce sera un vrai bonheur. Je vois que vous êtes timide, alors je vous remets mon adresse mail au cas où : ecrivez.moi@nevrosee.be

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Lire – Pour ceux qui n’ont pas le temps

Lire pour ceux qui n'ont pas le temps

Vous ne trouvez pas le temps de lire ? Pourtant vous aimeriez vous replonger dans les livres. Comme vous le faisiez quand vous aviez le temps. Quand vous n’aviez pas cette vie surchargée à diriger. Pas ce travail qui empiète sur votre vie privée. Les enfants à mener de droite à gauche. Les courses à faire. Le repas à préparer.  

Lire pour ceux qui n'ont pas le temps

Voici quelques trucs et astuces pour vous aider à trouver du temps pour lire.

Profitez de tous les moments creux

Pas le temps de lire ? Vraiment ? Pourquoi ne pas essayer de profiter de tous ces moments creux.

Passez vos journées au scanner. Vous verrez, elles sont en général pleines de ces « moments creux ».

Les transports en commun. Les salles d’attentes. Ou encore ce temps chronophage que vous passez sur les réseaux sociaux en pensant vous distraire. Pourquoi ne pas remplacer quelques minutes de cette occupation par la lecture d’une ou deux pages de roman.

Lisez une ou deux pages avant de vous endormir

Quelle que soit l’heure à laquelle vous allez dormir, essayer de lire une ou deux pages avant de vous endormir.

Toutes les études le disent. Se couper des écrans de votre télévision, de votre téléphone ou de votre tablette avant d’aller vous coucher a un effet bénéfique sur votre sommeil.

Je ne vous dis pas d’aller vous coucher une heure plus tôt et de lire cinquante pages avant de vous endormir. Non, une ou deux pages suffiront pour vous détendre. Prendre distance avec ce qui vous préoccupe. Votre journée ou ce que vous ne devez pas oublier de faire le lendemain.

Faites vous-même le compte : deux pages chez le dentiste, deux pages pour remplacer quelques minutes de Facebook ou Instagram, deux pages dans les transports en commun et deux pages avant d’aller dormir, vous arriverez vite à lire dix pages par jour.

Sachez que lire dix pages vous prend entre dix à quinze minutes. Ce qui ne semble pas insurmontable n’est-ce pas.?

Et à ce rythme, vous aurez vite fait de lire un livre par mois.

Certains dirons. Non, je ne peux pas faire ça. Quand je lis, j’ai besoin de me plonger à fond dans l’histoire et je ne peux pas me contenter de lire deux pages par-ci par-là.

Dommage. D’autant qu’en commençant petit, c’est-à-dire en acceptant de ne lire peut-être que deux pages par jour, vous mettez en place un cercle vertueux et vous vous surprendrez vite à trouver de plus en plus de temps pour lire.

Rappelez-vous, le mieux est l’ennemi du bien.

Lisez tous les jours

Commencez petit. Par contre, tenez-vous à cette règle : si peu que vous lisiez, lisez tous les jours.

Si vous ne lisez pas tous les jours, sans vous en rendre compte, vous sortirez de l’histoire même si elle vous plait. Vous décrocherez rapidement du livre et trouverez de moins en moins de temps à lui consacrer.

Il vaut mieux trouver dix minutes par jour à lire votre roman que dégager une heure de votre week-end. Vous serez mieux plongé dans l’histoire et aurez plus facile à ne pas perdre le rythme.

Emportez votre livre partout

Afin d’être en mesure de mettre à profit la moindre minute de temps creux pour lire, veillez à avoir toujours votre livre avec vous. Un rendez-vous en retard ? Trop tôt pour récupérer vos enfants à l’école ? Personne pour manger avec vous à midi ? Autant d’occasion que vous pourrez mettre à profit pour lire, à condition bien sûr d’avoir votre livre sous la main.

Déculpabilisez

Ne lisez pas un livre qui vous ennuie

Un livre vous ennuie. Refermez-le, vous avez assez de choses à faire. La lecture n’est pas sensée être un supplice mais un moment de détente agréable. Passez à un autre et ne culpabilisez pas.

Ce livre n’est peut-être juste pas fait pour vous. Ou ce n’est tout simplement pas le moment de le lire. N’y voyez pas un manque d’intelligence, de génie ou de sensibilité de votre part.

Ce livre n’est juste pas fait pour vous et ce n’est pas parce que tonton l’a adoré, votre amie l’a trouvé génial ou encore parce que la Pléiade a dit que c’était un chef d’œuvre que vous n’avez pas le droit de ne pas l’aimer.

Peut-être que vous vous dites que je ne fais pas le poids face à la Pléiade. Qui suis-je en effet pour vous absoudre du pêché de ne pas aimer un livre considéré par l’Intelligentsia comme un chef d’œuvre.

C’est vrai. Je ferai donc appel à Jorge Luis Borges dont le génie est reconnu par toute cette fameuse Intelligentsia pour appuyer ma thèse :

« si un livre vous ennuie, abandonnez-le ; ne lisez pas un livre parce qu’il est fameux, ou moderne, ou ancien. Si un livre vous semble ennuyeux, laissez-le (…) si un livre vous ennuie, ne le lisez pas ; c’est qu’il n’a pas été écrit pour vous. La lecture doit être une des formes du bonheur : voilà pourquoi je conseillerais (…) de lire beaucoup, de ne pas se laisser effrayer par la réputation des auteurs, de rechercher un bonheur personnel, un plaisir personnel. Il n’y a pas d’autre façon de lire. »

Jorge Luis Borges – Cours de littérature anglaise


N’hésitez pas à sauter les descriptions

Il en va de même avec les descriptions. Vous aimez un livre mais vous trouvez certaines descriptions trop longues. Et bien sautez les. Qu’importe ? Comme je le disais dans mon article sur Les Mystères d’Udolphe, les livres sont chacun issus de leur époque et devaient par conséquent répondre aux exigences de ces époques. Les descriptions ont eu leur utilité à des époques où l’on ne voyageait pas, où l’on n’avait ni la photographie ni la télévision et encore moins internet. Ces descriptions sont donc parfois dépassées et nous avons le droit de les sauter si elles nous ennuient.

Faites confiance au hasard et à votre intuition

L’univers semble vous envoyer un message. Vous entendez sans arrêt parler de tel livre ou vous y pensez souvent. Un livre se retrouve par hasard entre vos mains. Vous n’en avez jamais entendu parler mais il vous tente sans que vous ne sachiez précisément expliquer pourquoi.

Faites confiance. Faites-vous confiance et lancez vous. S’il ne vous plait pas, mettez le de côté et laissez-vous tenter par un autre.

Soyez à l’écoute de vous-même.

Lisez des histoires à vos enfants

Faites d’une pierre deux coups. Il existe des livres passionnants qui réjouissent autant les parents que les enfants. Harry Potter est peut-être l’exemple qui vient le plus naturellement en tête, mais songez au Petit Prince, Croc Blanc ou encore aux fables de La Fontaine.

Plaisir garanti pour toute la famille. Et en plus, une occasion unique de passer un moment de qualité en famille.

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La lecture pour quoi faire ? Plaidoyer pour la fiction

La lecture pour quoi faire

Plus que jamais, militons pour la lecture.

Entre bébé qui pleure, le repas à préparer, un rapport urgent à rédiger, peut-être même des vies à sauver, vous vous demandez : « la lecture ? Pour quoi faire ? »

Essayons de répondre à cette question.

La lecture réconforte

Pourquoi lire ? D’abord parce que la lecture réconforte.
Pas étonnant que les livres soient si souvent associés à une tasse de café ou de thé fumant, un feu dans la cheminée, et un plaid en pilou.
La lecture pour quoi faire
Ces accessoires incarnent le réconfort que procure la lecture dans ce monde qui, dans le meilleur des cas nous dépasse, dans le pire nous détruit.
Mais pourquoi ? Je crois que c’est une question d’honnêteté. A la différence de notre prétendue « réalité », la fiction et les personnages fictionnels s’assument en tant que fiction. Ce qui veut dire qu’ils ne prétendent à aucune vérité. A peine prétendent-ils à la cohérence.
C’est pour ça que je préfère le terme fiction à celui de littérature. Moins prétentieux. Plus confortable. Plus proche des gens. Moins grave. Et, comme le dit Aldous Huxley, le langage et les symboles pris trop au sérieux motivent et justifient toutes les erreurs. Voire, l’histoire nous en est témoin, toutes les horreurs.
Et puis, à l’inverse de toutes ces choses qui nous encombrent et nous submergent dans notre quotidien, la fiction ne porte pas de jugements tranchés. Est vierge de tout a priori.
Malgré cette humilité, la lecture offre l’opportunité unique de vivre l’expérience magique. Celle qui résulte de l’alchimie entre l’imaginaire de l’auteur et celui du lecteur. Une aventure créative vécue depuis son canapé, son lit, une plage, le tram. Une opportunité simple et facile de s’extraire de son quotidien, quel qu’il soit.

La lecture interroge

La lecture remplit aussi une fonction que notre subjectivité ne pourra jamais remplir seule : interroger nos schémas, en prendre conscience, les remettre en question, et nous donner les moyens d’en sortir ou de les adapter.
Le lecteur s’identifie à un personnage complexe, ambigu, nuancé. Fait sien un point de vue différent. A travers des métaphores et des mots qui le sortent de son quotidien. Et ce , comme nous l’avons dit, sans jugement tranché, sans personne pour lui dire : « il faut faire ceci ou cela et ne pas faire ceci ». Ou pire : « il faut penser ceci ou cela mais c’est mal de penser ça ».
Vivre, à travers la lecture, une autre vie que la sienne, c’est permettre un déplacement qui nous donne l’occasion de nous interroger et, éventuellement de nous repositionner.
Nancy Huston (un auteur que je vous recommande vivement) le dit beaucoup mieux que moi :

 « A la faveur de la lecture, et de l’identification qu’elle permet aux personnages d’époque, de milieu, de cultures autres, l’on parvient à prendre du recul par rapport à son identité reçue. Partant, l’on devient plus à même de déchiffrer d’autres cultures, et de s’identifier aux personnes les composant. (…) la littérature nous permet d’explorer l’intériorité d’autrui. C’est là son apanage souverain et sa valeur. Inestimable, irremplaçable.»

La lecture interroge, sans aucune obligation, ni de penser, ni de se conformer, ni de « performer ». Elle ne nous impose rien.

La lecture relativise

La lecture nous permet de relativiser la réalité lorsqu’elle se prétend « vérité ».

Comme l’indique Pascal Quignard :

 « Toutes les vies sont fausses. C’est la narration qui est vive, ou vitale, ou vitalisante, ou revivifiante. Et il est possible que les romanciers soient les seuls à savoir l’erreur – puisqu’ils consacrent leur temps à travailler à son errance – que toute narration engendre et l’étrange vitalité qui naît de cette fiction. Les seuls à savoir qu’il y a autant de romans possibles et aucune vérité en amont d’eux. « 

En effet, il n’y a pas plus de vérité en amont de nos vies qu’en amont de la fiction.
Et on peut effectivement se demander si pour certains Harry Potter n’est pas plus réel que Macron. Nul doute en tout cas que pour beaucoup, il apporte plus de réconfort direct et tangible dans la réalité concrète du quotidien. Ainsi, les effets du premier semblent plus réels à certains que les effets du second. Lequel des deux dès lors appartient le plus à la « réalité »?
Quoiqu’il arrive, nous ne pouvons percevoir la réalité que par le filtre de notre perception. C’est donc toujours d’une certaine manière notre réalité que nous projetons sur le monde. Comme l’a dit Thoreau, on oublie trop souvent que c’est toujours la première personne qui parle derrière tout langage. C’est également ce que dénonce Aldous Huxley lorsqu’ils parlent de nos « univers fabriqués-maison », produits de nos désirs, de nos haines et de notre langage.

La lecture humanise

Parce qu’elle réconforte, interroge et relativise, la lecture « humanise ». Lire, c’est s’améliorer en tant qu’humain. C’est « s’humaniser ». Parce que la lecture offre l’occasion de s’extraire de l’automatisme, du formatage de nos « univers fabriqués-maison », je dirais même de nos univers « automatisés-maison » pour se donner l’occasion de réfléchir, remettre en perspective ses schémas de pensée, s’interroger.
Et aujourd’hui plus que jamais, la lecture peut nous sauver.

 « Jamais tu ne comprendras quelque chose à cette vie. (…) Elle déborde de tous les côtés, et quand tu crois en saisir un bout, elle te l’a déjà abandonné entre les doigts, comme un lézard sa queue. Les humains ont tellement peur de cette vérité-là, de cette énigme incommensurable, qu’ils ont passé des millénaires à tisser des gilets de sauvetage. Les savoirs, les idéologies, les philosophies, les sciences sont le produit de ces filatures. Les qualités en varient. Certaines sont même très soignées mais aucune ne résiste à l’usage! Étrangement, rares sont les savants, les philosophes qui, au fur et à mesure qu’ils avancent, paraissent remarquer que le mystère, loin de diminuer, grandit et que l’horizon recule.» Christiane Singer

Finalement, on peut rechercher ses traumas, les analyser, lire toute la théorie du monde à leur sujet, étudier tous les outils pour s’en sortir. Prendre quantités de médicaments pour cacher nos malaises. Le seul réconfort possible est de redonner à nos traumas leur nature de fiction. Sans culpabilité, sans les amoindrir. Ce n’est pas parce qu’un trauma est fictionnel qu’il n’existe pas. Le remettre en lien, en perspective. Le revivre à travers d’autres points de vue. Comprendre aussi le point de vue des acteurs du trauma et passer à autre chose. Se donner enfin les moyens de faire émerger l’essentiel sous la couche de superficiel qui étrangle nos vies, notre moral(e), notre sens commun. Notre humanité.

Pas le temps pour la fiction ?

Pour finir, je voudrais vous rappeler ce que Nancy Huston (encore elle) répond à ceux qui prétendent ne pas avoir le temps de lire :
« Plus on se croit réaliste, plus on ignore ou rejette la littérature comme un luxe auquel on n’a pas droit, ou comme une distraction pour laquelle on est trop occupé ».
Alors, lisez partout, tout le temps, dès que vous avez cinq minutes, dans le tram, chez le médecin, avant de vous endormir, à la place des réseaux sociaux, des nouvelles déprimantes, de la télévision. Faites le point, honnêtement, il y a des choses à nettoyer. Des habitudes à remplacer. Du temps à trouver.
Besoin d’un coup de pouce ? Lisez mon article: Lire pour ceux qui n’ont pas le temps.
Et passez ensuite au livre suivant…