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Le roman-feuilleton ou la revalorisation du populaire

Le roman-feuilleton

Le roman-feuilleton n’est pas un genre, mais une forme.

Le roman-feuilleton et la critique

Il y a beaucoup de choses à dire sur le roman-feuilleton. Rappelons juste que c’est un phénomène éditorial qui s’est développé au début du 19ème siècle et qui a rencontré un grand succès auprès du public.

La critique n’a jamais été très favorable à cette forme littéraire qu’elle a toujours considérée comme étant de piètre qualité.

La critique dénonçait son caractère « mercantile » qui contraignait les auteurs à développer une littérature « racoleuse » pour maintenir l’attention du lecteur ou, à tout le moins susciter son impatience de découvrir la suite.

Ce que la critique reprochait surtout au roman-feuilleton, c’est son côté « populaire ». La critique n’aime pas beaucoup ce qui est populaire. Elle considère généralement que popularité et qualité sont antinomiques.

Avec le recul, on constate que nombre de romans feuilletons du 19ème sont aujourd’hui considérés comme de grands classiques. Il suffit de se rappeler que des auteurs tels que Eugène Sue, Honoré de Balzac et George Sand ont publié une grande partie de leur œuvre sous cette forme.

Le roman-feuilleton aujourd’hui

Aujourd’hui, on peut dire que le roman-feuilleton survit d’une certaine manière à travers les séries télévisées. Et, comme à l’époque, il y a du bon et du moins bon. 

Il semble qu’il y ait actuellement un regain d’intérêt pour le genre. C’est ce qui explique pour certains l’intérêt du public pour des œuvres comme celles de Virginie Despentes ou d’Elena Ferrante.

Personnellement, je ne considère pas que ce qui caractérise le roman -feuilleton soit la récurrence des personnages, mais bien au contraire, le mode de diffusion qui impose au lecteur ou au spectateur une coupure dans le récit. Un séquençage qui a généralement tendance à exciter son envie de connaître la suite de l’histoire.

D’après moi, si « L’amie prodigieuse » et « Vernon Subutex » sont, sans conteste des séries, ce ne sont donc pas pour autant des romans feuilletons, puisqu’on peut les lire sans « interruption forcée ».

Revaloriser le populaire

Que ces oeuvres puissent ou non être qualifiées de romans feuilletons n’est finalement pas ce qui compte.

Ce qui importe, c’est de se demander ce qu’exprime ce succès. Or, selon moi, ce qu’il révèle, c’est l’expression de la volonté du public de revenir à la fiction. Fiction que la littérature, ces dernières années, a peut-être un peu trop « snobé » avec ses idées de « nouveau roman » et compagnie.

Ce que le public manifeste, c’est un ras-le-bol de cette littérature élitiste qui, au motif qu’elle est chiante se considère comme supérieure et méprise la littérature populaire qu’elle dénigre et juge « trop facile ». Oubliant que la lecture est avant tout un plaisir. Pas une torture intellectuelle.

Rappelons que beaucoup d’artistes dont le génie aujourd’hui n’est plus contesté étaient, à leur époque, considérés comme « populaires » : Mozart, Beethoven, Dickens, Zola, Victor Hugo, Flaubert et on pourrait continuer la liste longtemps.

Le roman-feuilleton

Pour l’anecdote, en 1862, la sortie de la deuxième partie des Misérables a provoqué un attroupement qui, pour l’époque, est comparable à la ruée des consommateurs dans une boutique Apple à la sortie du dernier IPhone . En huit jours, il a fallu réimprimer le roman cinq fois !

Et que dire de Madame Bovary que les élites littéraires actuels qualifient de grande littérature alors qu’à l’époque, le public a bien mieux accueilli l’œuvre de Flaubert que la critique.

Comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas parce qu’un roman procure du plaisir qu’il manque forcément d’intelligence ou de pertinence.

Qui oserait d’ailleurs dire le contraire et reconnaître en même temps le génie, l’intelligence et la pertinence de Victor Hugo ?

Le roman-feuilleton et le web

Certains auteurs profitent des possibilités que leur offre le web pour effectivement réactualiser le roman-feuilleton.

Il y en a d’ailleurs toute une série disponible gratuitement sur internet.

Notons à ce propos que puisque ces romans feuilletons n’ont pas de visées mercantiles, la critique du 19ème siècle relative au caractère trop commercial du genre n’est donc plus vraiment d’actualité.

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Romantisme anglais

Romantisme anglais

Le romantisme anglais qui se développe de 1789 à 1837 est en réalité un mouvement presqu’exclusivement poétique.

Les défenseurs du romantisme à cette époque estimaient généralement que la poésie seule était apte à porter leur projet.

Je ne vous parlerai toutefois pas ici de poésie. Bien que les œuvres poétiques des romantiques anglais soient considérables.

Considérations personnelles sur la poésie

Je suis en effet une adepte des histoires. J’ai besoin qu’on m’en raconte et c’est pour ça que j’en raconte moi-même.

Vous me répondrez peut-être qu’à sa manière, la poésie raconte des histoires.

Evidemment. Tout dépendant de ce qu’on entend par « histoire ».

Si dans un roman j’aime à me faire surprendre par un style, la beauté d’une phrase, ou des verbes atypiques, dans l’ensemble, j’ai besoin d’oublier complètement que je suis occupée de lire un livre. De me retrouver au plus près des personnages, à leurs côtés, m’y confondre presque et vivre leurs aventures.

Il s’agit certainement pour certains d’une lecture « facile ». Il est vrai que je ne suis pas particulièrement sensible à la beauté du verbe pour elle-même et aux phrases qu’il faut parfois relire plusieurs fois pour en comprendre (ou pas) le sens.

Une lecture plus facile, peut-être. Je n’ouvre pas un livre pour faire volontairement une étude intellectuelle de telle ou telle chose. J’ouvre un livre pour lire une histoire qui, incidemment me fera peut-être, et plus que certainement si c’est un bon livre, m’interroger sur ces mêmes choses.

Il s’agit donc de deux choses différentes, mais qui selon moi se valent. En effet, comme je le disais dans mon article sur la fiction, les histoires qui m’emportent m’humanisent autant qu’une réflexion laborieuse sur des mots le sens de l’association semble toujours m’échapper.

Donc, mea maxima culpa, je ne suis pas particulièrement sensible à la poésie. Evidemment, les choses ne sont jamais si tranchées et il m’arrive bien entendu d’être profondément touchée par la poésie malgré tout.

Je n’y suis toutefois pas portée naturellement. Chacun sa sensibilité.

Donc ce qui m’intéresse dans le romantisme anglais ce sont les romans.

Le romantisme anglais et le roman

Il faut rappeler que l’intérêt pour le roman en Angleterre ne se développe véritablement qu’à l’ère victorienne. Après la période romantique proprement dite.

Peut-être une autre raison qui explique que la période romantique se caractérise surtout par la poésie

Il y eut pourtant des romans écrits durant cette période. Romans qui généralement étant donné les affinités entre le romantisme et le gothique mêlent parfois les deux genres.

C’est le cas du roman d’Ann Radcliffe, Les Mystère d’Udolphe, roman gothique par excellence, écrit durant cette période et que l’on considère comme précurseur du romantisme.

On retient toutefois encore parmi les romanciers de la période romantique :

Romantisme anglais
  • Sir Walter Scott ;
  • Jane Austen qui bien qu’ayant vécu durant cette période se situe toutefois en dehors du romantisme par son réalisme. Réalisme qui annonce d’ailleurs l’ère victorienne (1837-1901) durant laquelle le romantisme cèdera la place au réalisme (avec des sujets notamment centrés autour de l’étude des mœurs et des relations sociales) 
  • Mary Shelly qui se rapproche, elle, fortement du roman gothique

Pour le reste, il semble que le romantisme se soit affirmé dans le roman bien après la période romantique. Notamment avec les œuvres des sœurs Brontë.  Œuvres dans lesquelles l’influence gothique se fait également sentir. Particulièrement dans La Dame du manoir de Wildfell Hall d’Anne Brontë et dans les Hauts de Hurlevents d’Emily Brontë.

Le romantisme et le gothique

Les romantiques ont été largement influencés par le genre gothique.

Il faut dire que les deux genres partagent beaucoup de leurs caractéristiques.

Tout deux s’opposent à la raison au profit de l’intuition, de la passion, avec un goût marqué pour le passé, la nature et une certaine forme d’exotisme.

L’idée étant que l’obscurité peut être aussi aveuglante que la lumière. Et que la vérité ne se trouve pas toujours bien éclairée par des lampadaires.

Les deux genres assument dès lors un goût pour le mystérieux et l’inexplicable.

On trouve également dans le romantisme, comme dans le gothique, une revalorisation de l’imagination. De son pouvoir et de son importance.

Parce que nous devons créer notre propre rapport au monde, et que cette tâche ne se conçoit pas sans l’imagination.

Comme vous le constatez, on retrouve presque tous les éléments ru roman gothique dans le romantisme. 

Ce qui distingue les deux genres, c’est principalement la manière dont ils vont mettre en scène ces éléments. 

Ils expriment l’un et l’autre le mystère d’une manière sensiblement différente.

Le gothique optera pour une ambiance inquiétante là où le romantisme préférera la nature. Et, quoique les deux styles jouent sur l’atmosphère, elle sera généralement moins inquiétante, plus paisible dans le romantisme.

En guise de conclusion

Pour conclure, je dirais que le romantisme anglais nous rappelle qu’on a beau tenter de nous simplifier la vie en essayant de l’enfermer dans des cases, elle finit toujours pas en déborder.

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Roman gothique – Apologie du mystère

Le roman gothique

Connaissez-vous le roman gothique ?

Un genre littéraire qui apparait en Angleterre dans la deuxième moitié du 18ème siècle.

Ce qui caractérise le roman gothique, c’est une ambiance. Une atmosphère angoissante, inquiétante, et en même temps, de façon relativement inexplicable, réconciliante.

Le roman gothique

Associez des ruines, des âmes tourmentées, des chateaux hantés, des lieux abandonnés, des labyrinthes angoissants, des passages secrets, des phénomènes à la frontière du surnaturel ou du mystique et vous aurez les principaux ingrédients du roman gothique.

La plupart des romans gothiques (à l’époque) ont été écrits par des femmes. Ils ont rencontré beaucoup de succès mais ont souvent été décriés par la critique, que ce soit en Angleterre ou en France.

Le roman gothique et le mystère

Le roman gothique assume des émotions mêlées, contradictoires, chaotiques qui hantent les hommes. Lutte contre cet ordre créé par l’homme qui prétend tout expliquer. Un ordre factice qui n’a rien à voir avec la vie.

Et parce qu’il reconnait qu’on ne peut pas tout expliquer, il assume le mystère qui entoure voire englobe nos vies.

En effet, percer le mystère des choses c’est l’anéantir. Or, tout n’est pas rationnellement explicable. Le mystère est partout. Aussi loin que nous irons, il ne sera jamais vaincu. Il dominera toujours nos vies et fécondera toujours nos angoisses.

Or, si le mystère est responsable de nos angoisses, c’est aussi lui qui rend possible l’émerveillement. Contrairement au rationalisme qui désenchante.

De cette manière, le roman gothique dénonce les illusions et les mensonges qu’engendre la vanité de l’homme. À commencer par celle qui consiste à penser ou croire que l’homme peut tout.

Illusions qui, quand je vois ce qu’elles justifient aujourd’hui, m’angoissent bien plus profondément que n’importe quel roman gothique.

Une angoisse réconciliante

L’angoisse provoquée par le roman gothique est ce que j’appelle une angoisse réconciliante. Parce que c’est une angoisse qui reflète nos propres angoisses existentielles, sans les juger.

En intégrant ce que la vie a d’angoissant, le roman gothique reconnait son existence fondamentale. Ne tente pas de la nier. Il reconnait en cela, contrairement aux rationalistes, que nous sommes incapables de dépasser cette angoisse. Parce qu’elle fait partie de la vie.

Finalement, le roman gothique remet humblement au cœur de l’homme la peur, les angoisses et les ténèbres.

Il réhabilite ainsi la vie dans ce qu’elle a d’incompréhensible. De ténébreux de sombre, d’angoissant et d’inquiétant. Mais aussi de mystérieux et donc de merveilleux.

Le roman gothique s’oppose à une conception manichéenne du monde qui voudrait que le monde se divise entre le bien, le propre, le lisse, l’harmonie qui se déploierait toujours en pleine lumière et le mal, le sale, l’irrégulier, le chaos qui se dissimulerait nécessairement dans les ténèbres.

Il rend à la vie toute sa complexité. Toute sa nuance. Réconcilie le rêve et l’angoisse.

Un passé qui hante les murs

Tout roman gothique entretient un rapport particulier au passé.

À la lecture d’un roman gothique, on ne peut s’empêcher de ressentir que le passé hante les murs, les objets, l’air, les gens et peut-être même leurs gènes.

Comme si le temps n’existait pas et que les expériences s’accumulaient dans les choses.

Un passé qui se révèle souvent sous forme de secrets, ce qui rajoute du suspense à l’ambiance et vous empêche définitivement de lâcher le roman. Roman qui se met littéralement à vous hanter.

Le roman gothique et le sublime

Contrairement à d’autres genres littéraires du même style, le roman gothique est élégant. Il ne s’agit pas de vous terroriser pour vous terroriser. De vous montrer des monstres effrayants qui, finalement n’ont absolument rien d’effrayant. Il ne s’agit pas non plus de faire gicler le sang ni de décrire des scènes de torture ou de morts atroces.

Gracieux par sa subtilité. Parce qu’il ne fait que suggérer. Le roman gothique n’est jamais vulgaire.

C’est là toute la force littéraire du roman gothique. En flirtant avec le sublime, il nous rappelle tout ce que l’ombre, l’irrégulier, l’irrationnel, en d’autres termes l’humain, peuvent avoir de beau et d’esthétique. Qu’il peut y avoir de la beauté dans les ténèbres. Et que peut-être, c’est là que réside la vie, puisque, nous ne pouvons jamais totalement ni la comprendre ni l’appréhender, et encore moins l’enfermer dans la lumière de nos encyclopédies ou de nos dictionnaires.

Le roman gothique et le féminisme

Le roman gothique est souvent associé à une héroïne faible, sensible, victime de ses bourreaux. Femme passive.

Si l’héroïne des Mystères d’Udolphe répond partiellement à cette description, elle va tout de même au bout de sa quête et se montre capable de surmonter quantité d’aventures.

Par ailleurs, parmi les romans ultérieurs largement inspirés du roman gothique, bon nombre sont aujourd’hui qualifiés de « féministes ». C’est le cas de la Dame du manoir de Wildfell Hall, considéré comme le premier roman féministe. Ou encore de Mauprat de George Sand.

Comme je l’indiquais dans l’article sur la Dame du manoir de Wildfell Hall, il ne s’agit pas du féminisme tel qu’on le connait aujourd’hui. Et ces œuvres, si on ne les replace pas dans leur contexte ne nous semblent rien avoir de révolutionnaire.

J’aime voir un soupçon de féminisme dans le roman gothique. Et je n’imagine pas aujourd’hui mon « roman gothique idéal » sans cette caractéristique.

Un genre disparu qui pourrait renaître de ses cendres

Ce genre littéraire a disparu. Il continue toutefois d’infuser et un jour peut-être renaîtra-t-il de ses cendres sous une forme plus moderne. C’est tout ce que je souhaite personnellement.

Pourquoi ? Parce que le roman gothique, c’est une apologie de la vie. Ce qui en fait un genre plus intéressant que n’importe quel autre genre littéraire.

Plus suggestif que la science-fiction puisqu’il ne fait que suggérer le surnaturel sans jamais prendre totalement parti. Laissant le lecteur libre de choisir ce qu’il décide de croire.

Plus élégant que les romans d’horreur, puisqu’il ne se contente pas de faire gicler du sang par-ci par-là. Il ne se se contente pas de scènes qui, en étant trop explicites manquent d’une part d’élégance voire d’esthétique et qui, d’autre part, limitent l’imaginaire du lecteur, limitent son propre pouvoir ou rôle créatif dans la lecture.

Plus mystérieux que le roman policier puisque contrairement à lui, il ne prétend pas tout résoudre. Le mystère faisant partie intégrante du genre. Comme il fait partie intégrante de la vie.

Plus passionnant que la littérature dite blanche par l’importance qu’il accorde à l’intrigue et à l’imaginaire qu’il utilise pour la construire.

Quelques romans

Romans gothiques

Romans influencés par les romans gothiques

Considérations personnelles

J’ai probablement une vision idéalisée du roman gothique.

Je le considère dans tout ce que j’aimerais qu’il soit, avec des exigences de modernité qui évidemment ne peuvent être remplies par des romans d’une autre époque.

Je suppose que c’est la raison pour laquelle aucun roman qualifié de gothique ne m’a jamais vraiment totalement convaincue.

En outre, les romans gothiques du 18ème privilégient peut-être la forme intéressante que leur offrait le style gothique au détriment du fond. Ce qui, naturellement, a tendance à déforcer le roman.

Il n’en reste pas moins que le roman gothique inspire toute mon écriture.

J’ai été plus convaincue par des romans influencés par le genre et plus particulièrement par les romans de Wilkie Collins, la Dame en blanc et Secret absolu, ou encore par les romans des soeurs Brontë, La Dame du manoir de Wildfell Hall et Les Hauts de Hurlevents.

J’ai apprécié d’autres romans influencés par le genre gothique, mais pour d’autres raisons. Mais je n’y ai pas retrouvé cette atmosphère gothique qui me séduit tant.

Il n’y a, selon moi, que les romans de Wilkie Collins et des soeurs Brontë qui aient réussi à exploiter tout ce que ce genre pouvait avoir de passionnant, sans négliger le fond.